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Bonjour (ou bonsoir) à tous.
Je n'ai pas eu l'amabilité de créer un topic pour me présenter, donc je le ferai brièvement ici. Je m'appelle Thomas, j'approche de la majorité américaine. Je vis en Seine-Maritime à Rouen. Je m'intéresse particulièrement à tout ce qui touche au sport, en particulier le foot', le cinéma, la musique, les séries US, les civilisations étrangères, etc..
Voilà pour la présentation, je préfère aborder un sujet qui vous intéressera sûrement davantage.
Je tiens d'abord à préciser que ce RP n'a pas été écrit par moi, mais par un membre d'une guilde du même nom sur un MMO, après une mise en matière de nos idées. Je sers donc de porte-parole.
Comme je l'ai dit l'histoire est basé sur une guilde, qui se construit avec le temps. Pour vous faire un bref résumé :
Majestic, un vieil homme scientifique recherche le secret de la vie éternelle. Après maintes expériences ratées, il découvrit enfin le secret : une volonté hors du commun.
Il vécut pendant des siècles et se rendit compte à quel point le monde était pourri. Sa seule volonté parvenait à éradiquer le monde de toutes sortes d'escrocs et raclures et il imposa sa propre justice.
Se faisant un nom, des adeptes de son idéologie se manifestaient à lui, et commencèrent à se battre pour un monde juste.
Suite à cette histoire, je cherche à développer notre projet sous la forme BD/Manga. Malheureusement, nos compétences ne dépassant pas l'illustration d'un bonhomme fait de bâtons et d'un rond, je cherche donc un dessinateur/illustrateur qui serait prêt à nous aider.
Si vous êtes intéressés, contactez moi par MP ou par mail : majestic.box@gmail.com
Merci d'avance, et bonne lecture !
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1. Naissance & Renaissance
Le bruit des pas allant et venant avait cessé de résonner depuis plusieurs heures. Du moins c'est ce qu'il lui semblait approximativement, tant l'obstination du chercheur le distrayait de tout le reste. Il n'avait pas le temps et n'en aurait jamais assez tant que ses recherches n'auraient pas abouties. Cela faisait déjà quarante ans qu'il travaillait sur ce projet prétendant que la finalité était de permettre la synthèse d'humains destinés à devenir des soldats, ce à quoi le clergé d'une époque depuis longtemps oublié croyait naïvement. La finalité réelle était toute autre, en effet le chercheur qui se présentait sous le nom de Majestic avait depuis longtemps découvert grace a un grossier système de lentille assemblées ainsi qu'à l'aide un peu de son sang que le corps était constitué de multiples micro formes de vies, de même, que leur durée de vie ne fonctionnait pas de la même façon que celle de l'être qu'elles constituaient, en effet au terme de longues heures passées au dessus à les observer il put contempler leurs subdivisions, mais cette information ne lui avait pas paru d'une utilité cruciale la première fois car il ne voyait pas de quelle manière le processus de vieillissement s'insérait dans le schéma, cette division devait en toute logique assurer une longévité infinie. Ce n'est que quelques années plus tard qu'il comprit à force d'observer que les copies semblaient de moins en moins solides et leurs formes trahissaient des dégradations multiples. Cela lui permis de faire le rapprochement, n'importe quel copiste de l'époque ne pouvait reproduire un document à la perfection et à chaque fois la copie présentait de multiples différences, il ne lui fut pas difficile de comprendre que l'apparition de diffèrences sur un système aussi fragile que la vie et le vieillissement n'étaient autres que le même aspect de cette copie imparfaite, il l'avait vérifié en comparant divers échantillons de sang de personnes d'ages variés. Car en effet tel était le but de cet homme, il cherchait à tout prix le moyen de rendre cette division parfaite, quant à la motivation de ses recherches, celle-ci différait nettement de celles de ses employeurs.
Ainsi donc dans ce silence bienvenu, il pouvait retourner à la réalité de ses recherches, il sentait qu'il avançait car il avait réussi à stabiliser un échantillon de son sang dans une magnifique harmonie de division parfaite, celui-ci n'avait pas présenté les signes habituels de dégradation depuis dix-ans, mieux encore, il lui arrivait parfois d'en prélever une partie pour effectuer des tests et le dit échantillon revenait à une vitesse assez sidérante à sa forme et sa quantité d'origine, il semblait capable de se nourrir seul car cette régénération impliquait un retour à sa masse originelle. Á partir de ces faits, il ne fut pas difficile au chercheur de comprendre une chose fondamentale : la matière créé l'énergie et l'énergie créé la matière. Toutes ces révélations ne faisaient qu'appuyer le fait qu'il se rapprochait de son but, mais la peur de ne pas y arriver à temps le tenaillait toujours. Il devait trouver le moyen sûr d'arriver au même résultat sur un être humain dans son intégralité. Les tests qu'il avait conduit en ce but sur des prisonniers fournis par ses employeurs avaient tous échoués, ceux ci avaient au contraire vu leur vieillissement s'accélérer et non disparaître. Ce n'est qu'au crépuscule de sa vie qu'il tenta sa dernière chance, il avait essayé tout ce qui était matériellement possible mais les tests échouaient toujours de la même façon, il en était arrivé a la conclusion que ce qui différenciait ces hommes de son échantillon de sang immortel était la volonté, ce sang issue de son être possédait une volonté née assez forte pour rester en vie quoi qu'il lui arrive. En effet pendant des décennies il avait dû pour total en prélever plusieurs litres à partir pourtant de ce minuscule échantillon capable de se régénérer à partir d'une quantité infime de l'initiale tant qu'elle n'était pas détruite. Sentant sa mort proche, il tenta donc sa dernière chance et alla s'isoler dans un lieu désert et reculé avant de s'innoculer le précieux liquide dans l'espoir que celui-ci contaminerait le reste de son corps. Il en avait la conviction, après tout ce sang bien qu'ayant subi de nombreuses modifications, était issu de son être. C'est avec cette idée en tête qu'il sombra dans un profond sommeil qui était celui qu'il n'avait que trop souvent vu appellé "dernier sommeil". Après ce jour, ses anciens maitres n'entendirent plus jamais parler de lui, ou si c'était le cas, ils n'en surent jamais rien.
Majestic s'était éveillé recouvert d'une épaisse couche de givre, sa mémoire ne lui revenait que très lentement tandis qu'il était allongé là, observant les étranges couleurs du ciel à travers le filtre glacé qui s'était déposé sur ses pupilles. La première chose qui lui vint à l'esprit était qu'il avait réussi, mais il ne put dire quoi tant sa mémoire était brouillé. Après un moment qui lui sembla durer une éternité, il tenta de se redresser, tout son corps était douloureux de se mouvoir et il en déduisit qu'il devait être proche de la mort. Pourtant, une fois qu'il se fut péniblement relevé et retombé a genoux, son regard tomba sur ses mains et ,dès cet instant tout fut là. La mémoire lui revint, les mains qu'il avait devant les yeux n'étaient plus celles d'un vieillard proche de la mort, sa respiration bien que douloureuse n'était plus le râle sifflant qui le génait tant dans ses travaux, et malgré le feu qui semblait brûler chaque muscle de son corps chaque fois qu'il le sollicitait, il avait retrouvé l'intégralité de sa vigueur. Il avait réussi. De longues heures durant, il se demanda combien de temps avait pu s'écouler car dans son brutal retour à lui, sa mémoire lui indiquait que lors de son apparente mort il s'était isolé au début d'un printemps riche en promesse climatiques, les arbres étaient en fleurs et l'herbe retrouvait son vert le plus brillant. Pourtant en promenant ses yeux alentours il vit que tout était gelé, les arbres étaient nus et l'herbe était blanchie par le froid. La douleur s'atténuant au fur et a mesure qu'il suscitait ses muscles, il se mit difficilement en marche en direction du lieu de ses recherches. Il ne reconnaissait rien de ce qu'il voyait lors de son trajet et les gens qu'il croisait lui jetaient un regard étrange, mélange de suspicion et de peur, convaincus qu'ils avaient la affaire à un fou car dans leurs esprits, seul un fou pouvait se déplacer ainsi affublé d'une tunique de lin prête à tomber en morceau et d'un pantalon de toile qui ne semblait guère en meilleur état, une vieille corde pour toute ceinture. De même , aux yeux de Majestic les gens paraissaient vétus de costumes étranges, inutilement criards tant dans leurs couleurs que dans leurs formes extravagantes. Il lui sembla reconnaitre la langue parlée par les gens bien qu'elle lui apparut comme abattardie et le sens de certains mots lui échappaient.
- « ... des frusques pareilles...
- Que fait-il devant le palais de sa grâce ?... »
Un homme vétu tout de rouge et de bleu sembla dire : Cet hurluberlu doit être un fou, bien qu'il soit aussi mal affublé que les mendiants qui enlaidissent la grandeur de la cour du palais de sa grâce, il ne semble pas être ici pour mendier, or tout homme digne de ce nom ne saurait se présenter en ces lieux vétu autrement que d'un pourpoint flambant neuf.
Tout paraissait sortir d'un autre monde aux yeux de Majestic, et il n'avait jusqu'alors jamais entendu parler de vêtements portant un tel nom. Il en déduisit rapidement que ce devait être ce dont était affublés tout les gens à l'air évaporés qui l'entouraient, des vêtements aussi ridicules qu'inutiles à ses yeux tant ils paraissaient lourds a porter et ne semblaient pour autant pas offrir plus de protection contre le froid qu'une simple veste de laine sur une solide tunique. Quoi qu'il en soit, il avait atteint sa destination mais à la place de l'enchevêtrement complexe de ruelles qui menaient à son laboratoire se trouvait un batiment à la taille démesurée, et, lorsqu'il tenta d'y pénétrer, il fut brutalement éconduit sous les rires gras des badauds. Cela au moins n'avait pas changé, les hommes étaient toujours aussi mauvais. Cette rudesse acheva de le réveiller, et tout lui apparut clairement. Son expérience était un succès total, il avait réussi à retrouver toute sa force, et même plus encore lui sembla-t-il, car le choc lorsqu'il avait été jeté par terre ne lui avait pas provoqué tant de douleur que ça malgré la dureté du sol. Le temps semblait avoir passé à toute vitesse pendant que son corps retrouvait cet état ... non, obtenait cet état de force et de vigueur qu'il n'avait jamais possédé auparavant. Il fut sûr dès lors que le sang qui avait réintégré son corps était responsable de cette modification et compris ainsi qu'il avait eut la bonne intuition. Ce qui le différenciait des autres hommes sur qui l'experience avait échoué était la volontée de vivre, non pas pour simplement vivre mais afin de mener à bien un but profond et qui avait bien failli le mener a la folie lors de sa jeunesse idéaliste. En effet Majestic avait dès la fin de sa petite enfance pu observer que le monde était pourri et n'était pas comme il devrait l'être. Cette conviction s'était faite de plus en plus forte et le hantait à tel point qu'il n'était capable de penser à autre chose. Il lui apparut rapidement qu'il n'aurait jamais le temps d'apporter au monde les changements nécessaires afin de lui donner la forme qui devait être. C'est cette volonté de nettoyer le monde qui l'avait différencié de tout les sujets d'experiences ratés, cette volonté nette et inébranlable qui avait permis a son corps de tirer de ce qui l'entourait l'énergie nécessaire afin de vivre dans ce seul but. Non, c'était même plus que ça, il sentait que son corps était différent de ce qu'il avait pu être durant toute sa vie sans pouvoir dire pour autant quelles diffèrences concrètes le caractérisaient, celà, il ne devait le découvrir que bien plus tard.
Les années passèrent et Majestic ne perdit pas de temps, comprenant que sa mort apparente lui apportait une liberté totale dans ce monde où tout était porté sur l'importance et le rang social, cette liberté ne lui coûterait pas plus cher que de rennoncer à porter une identité définie, chose qui lui sembla bien dérisoire en échange de ce qu'elle offrait. Mais les années se transformèrent en décénnies puis en siècles lors desquels Majestic réalisa qu'il avait été bien naïf. Le temps n'était pas la seule chose qui lui manquait, il avait pu observer que son corps ne changeait pas tandis que les ères passaient et que le monde changeait d'apparence sans pour autant changer de fond, toujours aussi rongé par la pourriture qui le dégoutait. Les siècles qu'il avait passer à "nettoyer" le monde des impuretés qui l'emplissaient, par des méthodes allant de la parole simple au meurtre d'individus bien trop vils pour tout amendement. Il n'avait pas cessé, de tout ce temps à consacrer toute ses forces à la purification de ce monde, pourtant celui-ci n'en pourrissait que de plus belle. C'est ainsi que Majestic se retrouva enfermé dans un cycle qui ne devait point amoindir sa volonté, au contraire, mais le dégout l'avait rendu amer et cynique, une fois venu à la conclusion que l'éternité ne lui suffirait pas à purger le monde, il lui fallait plus de pouvoir et bien qu'il découvrit qu'il possédait certaines capacités qu'il mit souvent en pratiques au cours des siècles de "purge" qu'il offrait au monde, celles-ci malgré le fait qu'il était le seul à les posséder étaient insuffisantes pour nettoyer l'intégralité du monde.
Toutefois, il ne renonça jamais devant l'échec, et continua d'oeuvrer dans l'espoir perpetuel que le fruit de ses efforts seraient un jour récompensé. Chose curieuse, lui qui avait rennoncé à toute individualité pour pouvoir se mouvoir au gré de sa volonté de par le monde, gardait malgré tout quelque chose sur lui qui le caractérisait assez insolitement. Une pomme qui semblait noircie, comme pourrrie, mais qui a l'instar de son propre corps ne changeait pas au fil des années. Cette pomme représentait l'état du monde a ses yeux et il la maintenait en l'état par la seule force de sa volonté, afin de raffermir celle ci chaque fois qu'il flancherait, un simple regard sur ce fruit lui permettait de retrouver toute sa volonté d'agir, cette simple pomme noire lui disait que l'heure n'était pas encore venue pour lui se de se reposer.
Ces évènements sont bien lointains et oubliés de tous, l'existence même de l'ordre religieux qui avait loué ses services avait été elle même effacée de l'histoire. Pourtant, cet homme agit toujours en notre ère se déplaçant de par le monde entier afin de ne pas donner naissance à des rumeurs de morts soudaines concentrés dans un périmètre précis, toujours seul malgré la solitude lourde et mordante, il n'avait rencontré au cours des siècles, aucune âme partageant le même dessein que lui.
2. Vivre pour savoir
Le bruit irrégulier mais perpétuel des voitures emplissait la ville d'un vacarme auquel la plupart des habitants s'étaient habitués, le vent charriait les relents de gaz d'échappement des véhicules et le sol d'asphalte faisait résonner les sons produits par les passants.
C'est bien pour cette raison qu'Elenwë avait depuis longtemps délaissé les soi-disant bienfaits de la civilisation pour vivre en parfaite autarcie à l'écart de cette agitation incessante, et plus précisément, à l'écart des gens le causant. Sa maison bien que robuste passait pour une cabane de bûcheron aux yeux des improbables passants, et lui apportait tout ce qu'il lui en demandait. Le mobilier à l'intérieur, bien qu'austère, était principalement utilitaire et de bonne conception, et la demeure était ainsi placée qu'il avait un accès proche à la rivière, et assez éloignée de la forêt afin de prévenir aux feux de forêts fréquents dans la région. Sa garde-robe était pour ainsi dire limitée, il disposait d'une solide veste en laine grise qu'il avait réalisé lui même, ainsi que d'un pantalon de toile robuste. A coté de celui ci contrastait un costume qui avait l'air parfaitement déplacé à côté de ces vêtements simples et utilitaires. En effet la deuxième tenue était composée d'un tee-shirt à manches longues rouges et d'un pantalon de jean qui correspondait bien plus au contexte des grandes villes qu'à celui de ce petit coin reculé de tout.
De fait, Elenwë était un solitaire et vivait ainsi afin de ne pas être perturbé par le monde extérieur, mais il lui arrivait parfois de se rendre dans les villes qu'il détestait tant, dans le but de se tenir au courant des évènements du monde. Rare furent les fois où il apprit quoi que ce soit d'intéressant, et pourtant l'une de ces sorties devait à jamais changer sa destinée.
En l'occurrence, celui-ci venait de se baigner dans la rivière afin de se laver des souillures de l'air de la ville, et rentrait chez lui pour revêtir ses habits normaux, encore qu'aux yeux des habitants du monde, les habits normaux n'étaient pas tout à fait de cet aspect. Une fois sec et à l'intérieur, il entreprit de reprendre son empire sur lui même car à chaque fois qu'il se rendait en ville, son esprit était profondément déstabilisé par la démence qui caractérisait à ses yeux le «reste du monde». De là à dire qu'Elenwë était complètement fou, il n'y a qu'un pas, mais ce n'était pas tant une folie classique qui repose habituellement sur l'incohérence du raisonnement. Non, cette folie était plus en fait le résultat du rejet total de son esprit pour le monde extérieur qu'il considérait comme un tissu d'absurdités, et se manifestait entre autres par cet isolement volontaire. Toutefois, ces années passées à l'écart du monde ne furent pas laissées tombées dans l'oisiveté, car de fait, Elenwë, bien que détaché géographiquement du monde réel, était en perpétuelle réflexion sur les causes et les effets des évènements sur l'état du monde en ce jour. Il savait pertinemment qu'il ne pouvait rien changer seul et n'avait jamais rencontré quiconque partageant sa vision du monde. L'on pourrait facilement croire qu'il avait ainsi renoncé à son humanité et préféré adopter le mode de vie des animaux car il trouvait que la nature dans sa simplicité fonctionnelle était beaucoup plus cohérente que le monde créé par ses semblables, mais tel n'était pas le cas. Elenwë se savait résolument être un humain et comprenait qu'il y avait une différence majeure entre l'homme qu'il était, et les animaux qui vivaient dans les alentours. Cela-dit, il pouvait compter sur les doigts d'une main les gens qu'il avait trouvé digne d'être qualifié du terme d'humain, et encore de façon bien imparfaite, au cours de ses soixante-sept années d'existences. Ce n'était pas de la vanité car ce concept est bien vide de sens pour un ermite, mais il se considérait comme un humain dans un monde où les gens vivaient de façon malsaine. Pour lui, quelques soient les peuples en question, les gens se comportaient de cette manière malsaine qu'est le mélange d'un comportement animal avec la capacité de l'homme à créer le mal, car c'est bien ce qui les différenciait à ses yeux. Si un animal ne pouvait comprendre le concept de cruauté, en revanche les humains avaient la capacité de le faire, mais bien peu prenait en considération celle-ci, et bien moins nombreux encore étaient ceux qui y portaient un quelconque intérêt.
Ce fut quelques mois plus tard que tout bascula. Lorsqu'il descendit dans la ville la plus proche pour recueillir des informations, il écouta sans en donner l'air plusieurs personnes parler d'une façon chargée d'un enthousiasme malsain qui caractérisait souvent les évènements sanglants. Apparemment des certaines de personnes seraient mortes dans un patelin proche de la grand-ville, toutes de causes diverses et variés, et même pour certains sans cause connue. C'était en effet le nombre de mort concentré dans un même endroit qui rendait la chose curieuse car même s'il arrive des accidents, lorsque ceux-ci se passent tous dans la même ville, cela ne peut être une coïncidence. Cette information intéressa Elenwë, non pas pour la raison qu'elle le sortait de l'ennui mortel et vide de sens de son quotidien, raison qui semblait être celle qui intéressait les gens qui en parlaient de façon plutôt indécente. Sa raison était purement basée sur la curiosité et c'est mû par celle-ci qu'il prit la direction de la ville concernée par le carnage. Malgré le fait que l'évènement ait eu lieu ici, les habitants semblaient ne rien savoir de ce qui s'était passé, aussi dut-il se résoudre a retourner chez lui. Cependant, avant cela il voulait avoir la certitude que personne en ville ne savait rien afin d'avoir l'esprit tranquille. Après tout, dans ce qu'il appelait pour lui même son «déguisement de ville» il passerait pour n'importe quel curieux parmi tant d'autres. Cela ne lui prit pas longtemps de remarquer que cette ville puait la corruption et était peuplée pour la plupart de gens sans scrupules, Elenwë n'avait pas une très haute estime de ses semblables mais cette ville particulière était encore plus rongée par le vice que toute celles qu'il avait pu visiter. Ayant appris que tout les morts avaient succombé au coeur de la nuit, il décida donc d'arpenter ses rues lorsque la lune serait haute afin de jeter un oeil à la personne qui semblait s'acharner à dépeupler cet endroit. Cela ne fut pas vraiment difficile car tous les habitants restaient chez eux par peur d'être tués, aussi était-il seul à circuler lorsqu'au détour d'une ruelle il aperçut un homme qui sortait résolument d'une demeure sans prendre la peine d'en fermer la porte avant de s'engager sur le trottoir. La logique ajoutée à son intuition le fit suivre cet homme, Elenwë était presque sûr qu'il avait découvert le responsable de toutes ces morts, une fois qu'il l'eut rattrapé, il remarqua que l'homme ressemblait à un citadin comme un autre, indifférenciable parmi la masse. Pourtant il dégageait de lui quelque chose qui acheva de persuader Elenwë qu'il avait vu juste.
L'homme avait remarqué qu'on le suivait et s'était retourné, afin de voir qui l'épiait ainsi, il fut assez surpris lorsque l'homme qui l'avait suivit s'avança nonchalamment vers lui. En effet toute ces morts auraient dû inciter jusqu'au plus bête des citoyens de la ville à rester cloîtré chez lui, mais celui ci ne semblait pas particulièrement être sur la défensive lorsqu'il s'approcha. Il lui adressa même la parole d'une voie assurée et l'interrogea d'une façon qui semblait vide de toute accusation, seulement mue par la curiosité.
- « Es-tu à l'origine de la mort des gens de cette ville? »
Pris de court , l'homme répondit :
- « Et si tel était le cas?
- Si tel est le cas, j'aimerais simplement en connaître la raison. »
N'ayant pas peur de tuer à nouveau si nécessaire il répondit sans la moindre gêne :
- « Car ces gens ne me plaisaient pas, leur existence est une insulte à l'humanité.
- Je vois, répondit simplement Elenwë tout en décidant mentalement que cet homme était décidément bien différent des gens qu'il avait rencontré jusque là, je pense que je vais te suivre et t'observer », ajouta-t-il sans la moindre trace de peur dans la voix.
L'autre fut d'abord interloqué par la brutale simplicité de l'annonce qui venait de lui être faite, mais après réflexion, il ne voyait aucune raison de tuer cet homme et si cela changeait, il pourrait toujours y remédier, ainsi lui répondit-il :
- « Fais comme bon te semble mais n'attends rien de ma part, j'ai une tâche à accomplir et je n'ai pas de temps a perdre. »
Elenwë n'ajouta rien et l'homme repartit sans même dire son nom, ce qui ne dérangea ni l'un ni l'autre.
C'est ainsi que ce curieux duo reparti pour s'engager dans une ruelle sombre, l'homme étrange précédant Elenwë qui se contentait d'observer en silence et en réfléchissant au sens des actes qui se déroulaient sous ses yeux.
3. La confrontation
Un homme courrait, semblant fuir une demi-douzaine de poursuivant armés de pied-de-biche. Cela dit, cela ne semblait pas tant le fatiguer et l'on ne pouvait lire aucune panique dans son regard. Il aperçut alors la rue qu'il recherchait et se dirigea vers celle-ci, entraînant les braillards qui le coursaient derrière lui. La ruelle en question était un cul de sac et il le savait bien. À peine eut-il tourné pour s'engager dans le croisement qu'il se cacha derrière une poubelle afin de laisser passer les belligérants. Ceux-ci s'aperçurent que la rue était déserte, et se mirent à insulter leur proie de tous les noms en l'incitant à sortir de sa cachette, ce que l'homme en question avait bel et bien pour intention de faire. Il envoya valser la dite poubelle d'un coup de pied et se redressa, un sourire sans joie inscrit sur le visage, et annonça sobrement :
- « Maintenant que vous êtes là, vous ne pourrez pas fuir lorsque ça va mal tourner pour vous. »
Les énergumènes qui l'avaient suivi jusqu'ici prirent cela comme une insulte assez ridicule venant de la bouche de quelqu'un qui semblait fuir quelques minutes auparavant. Cet homme les avait dérangé et provoqué pendant qu'ils faisaient commerce de produits relativement illicites à la faveur de la nuit, puis avait pris ses jambes à son cou une fois qu'il avait vu qu'au moins six personnes le suivaient. Pourtant ce qui se passa ensuite ne fut pas joli à voir. La présumée proie avança vers eux d'une démarche rigide quasiment militaire, et une fois à portée, se jeta sur eux sans autres formes de procès. Il reçut bien quelques coups de barre de fer dans le dos et dans les jambes, mais semblait ne pas y prêter attention jusqu'à en recevoir un au visage qui ne lui laissa qu'une petite coupure. Il empoigna donc celui qui lui avait donné le coup, avant de le délester de son arme et de le balancer à terre, après quoi il tordit le pied de biche comme s'il n'était pas plus résistant que du fil de fer, et le jeta derrière lui. La suite est bien trop sordide pour être relatée ici en détail, le bagarreur solitaire cassa beaucoup de dents et d'autres choses diverses sans faire de favoritisme entre les os et les articulations. Lorsqu'il émergea de la ruelle avec pas mal de sang maculé sur sa veste et son visage, de fait le liquide en question ne sortait pas de son propre corps, il reprit calmement sa route comme si rien ne s'était passé, se dirigeant vers une petite baraque abandonnée dans laquelle il vivait depuis un moment déjà.
Ancien militaire, cet homme portait le nom de Dez. C'était un homme brisé car il avait vite vu ses rêves de justice et de pacification du monde voler en éclat lorsqu'il faisait parti de l'armée de son pays. Tout allait bien lorsqu'il n'était que soldat, il n'était au courant de rien et allait sur le champ de bataille là où on le lui disait. Mais ceci changea lors de sa première promotion. Inévitablement, celle-ci impliqua une plus profonde immersion dans le monde militaire, et, lorsqu'il se rendit compte de tout les motifs politiques puérils et vide de sens qui avaient coûtés la vie à de braves soldats, il quitta l'armée sans même donner sa démission. Il alla même jusqu'à refuser intérieurement de récupérer l'argent de ses payes mensuelles précédentes, car pour lui, cet argent était souillé du sang de ses camarades tombés au combat. Ce profond dégoût l'avait rapidement amené à être hargneux et il préférait éviter dans la mesure du possible de rencontrer trop de monde. Sauf, évidemment, lorsque sa colère était à son paroxysme, il avait de fait pris pour habitude de faire justice lui même à petite échelle en massacrant régulièrement des voyous de secondes zones, parfois par dizaine, et vivait de l'argent qu'il récupérait sur eux. Il avait tendance à rapidement dilapider cet argent, car il en disposait de manière assez peu commune. Il n'hésitait pas à laisser tomber ce que d'aucun appelleraient une fortune dans la sébile de certains mendiants, parfois par compassion, parfois par désir d'être à court d'argent tout simplement pour pouvoir à nouveau disposer d'un prétexte de se défouler sur une bande de dealer ou d'autres voyous quelconques. Même s'il se rendait bien compte que ses actes n'avaient aucun impact à grande échelle, cela suffisait à le satisfaire et cette vie de bagarre incessante, toujours seul contre une multitude, avait développé chez lui une force physique peu commune. De même, il avait si souvent subi plaie et bosse que son corps cicatrisait rapidement, ses os s'étaient durcis car chaque fois que l'un d'entre eux se brisait au combat, celui-ci se ressoudait plus solidement encore.
Cette vie bien qu'étant la seule qu'il ait réussi à mener jusque là, n'était pas celle dont il avait rêvé, mais dans sa brusque désillusion il avait pu comprendre qu'il n'arriverait pas à faire mieux. C'est ainsi qu'il avait décidé de passer le restant de ses jours. Tant qu'il aurait la force de se battre, il continuerait ainsi, les «victimes» n'étant pas du genre à aller se plaindre à la police car de fait, porter plainte pour vol de l'argent venant de la vente de drogue ou d'objets volés n'était pas chose courante. Il avait acquis quelques bases rudimentaires sur la médecine, il était bien loin d'être versé dans les mécanismes biologiques intérieurs du corps, mais le rafistolage des membres cassés et la désinfection des plaies n'avaient plus de secret pour lui, il n'avait pas eu besoin d'aller à l'hôpital depuis des années et cela lui convenait parfaitement, évitant ainsi des question qu'il préférait ne pas aborder. Comme la source de ses blessures par exemple.
Vivant ainsi, lorsqu'il ne se battait pas ou n'était pas en train de se remettre des blessures de sa dernière bagarre, il déambulait en ville sans autre but que de se balader et parfois repérer d'éventuelles personnes louches dont il notait mentalement la localisation afin de s'en occuper plus tard. C'est lors d'une de ces sorties nocturnes de «nettoyage» des rues qu'il tomba sur un duo qui se déplaçait nonchalamment dans une ruelle sordide. Malheureusement pour eux, Dez n'était pas de très bonne humeur ce soir là et de ce fait, n'avait aucune envie de finasser. Deux personnes se déplaçant en pleine nuit dans un quartier aussi mal famé ne pouvaient qu'être animées d'intentions malveillantes. Il s'avança donc à leur rencontre et lorsqu'il les eut rattrapés, il jeta un rapide coup d'oeil aux deux personnages qui s'étaient retournés pour le voir venir. L'un d'entre eux était un vieil homme à la courte barbe grise et à la calvitie bien avancée, et Dez décida rapidement qu'il ne se battrait pas contre une personne âgée. L'autre avait les cheveux sombre mais il n'arrivait pas à lui donner d'âge, il aurait pu tout aussi bien avoir tout juste la vingtaine ou tout autant aller sur ses quarante ans. Quoi qu'il en soit, c'est lui qu'il prit pour cible et tandis qu'il s'apprêtait à se jeter dessus sans crier gare, il s'arrêta comme paralysé juste devant lui, des sueurs froides dans le dos. La situation l'effrayait, non pas qu'il eut peur de l'homme en question, encore que celui-ci dégageait une sensation particulière de calme absolu, il était en effet plutôt apeuré par le fait que jamais de sa vie il ne s'était retrouvé stoppé dans son élan de déchaînement de violence. La situation ne dura que quelque battements de coeur mais sembla infiniment plus longue à Dez, d'autant plus que les deux hommes n'avaient pas fait mine de réagir le moins du monde à son assaut ni même au brusque arrêt de celui-ci. Dez s'assit, haletant en proie à une curieuse sensation d'épuisement, chose qui lui était peu familière, et le duo continua de le regarder sans rien dire, puis, au bout d'un moment d'observation, l'homme qui paraissait le plus jeune des deux fit mine de repartir et de poursuivre son chemin.
Lorsqu'il eut repris ses esprit, Dez ne lança qu'un mot :
- « Attendez ! »
Les deux hommes, bien qu'ayant avancé de quelques dizaines de mètres, s'arrêtèrent laissant le temps à l'autre de les rattraper puis continuèrent leur route sans dire mot. Quant à lui, Dez se sentait étrangement vivant, rien ne l'avait plus intrigué et la curiosité était morte en lui depuis longtemps, pourtant il se sentait comme attiré par cet homme sans âge apparent qui n'avait pas fait mine de s'écarter devant son assaut. Pour la première fois depuis des années, il ressentit le besoin de satisfaire sa curiosité afin de comprendre pourquoi il n'avait pas pu se résoudre à le frapper comme il en avait tant l'habitude. Il les suivit donc et chose étrange, le duo qui le précédait semblait indifférent à sa présence, il nota même qu'eux deux ne parlaient pas entre eux et cette atmosphère particulière dura plusieurs heures, avant que le meneur du groupe qui était apparemment le plus jeune des deux décide de s'arrêter pour la nuit une fois sortis de la ville. Dez n'avait pas dormi à la belle étoile depuis des années, encore que l'on eut difficilement pu qualifier sa résidence habituelle de maison. D'ailleurs, il ne dormit pas beaucoup cette nuit là et passa la majeure partie de celle-ci à s'interroger sur les évènements récents, ne cédant au sommeil que peu avant l'aube. Chose curieuse qu'il constata en se réveillant, les deux autres n'étaient pas partis pendant son sommeil et ne se remirent en marche qu'à cet instant.
C'est ainsi qu'il les suivit, déterminé à comprendre le fin mot de l'histoire.
4. Collusion, coalition et union
De la fortune qu'il avait hérité de ses parents aujourd'hui décédés, il ne reste plus grand chose à Shoriu, encore que ce plus grand chose eut été qualifié de fortune par le commun des habitants, mais la façon dont il vivait était pour le moins coûteuse. Il avait démarré dans la vie comme fils unique, couvé et protégé des dures réalités de ce monde par ses parents, tant et si bien que lorsqu'il démarra dans la vie sociale, le choc fut rude. Il n'avait pas eu à faire d'études car devait tout simplement reprendre l'entreprise familiale, et, de ce fait n'était pas habitué à fréquenter d'autres personnes que des enfants de parents riches et tout aussi surprotégés, autant dire qu'il ne connaissait rien au monde extérieur. Le brusque décès de ses parents survint lors de sa vingtième année, et c'est à cet âge précoce qu'il se retrouva à la tête de l'empire financier qui lui avait été légué. Les choses se déroulèrent bien pendant quelques temps, mais les gens qui travaillaient pour ses parents ne tardèrent pas à remarquer que Shoriu n'était en aucun cas capable de se défendre si jamais ceux qui avaient accès aux finances de la famille s'accordaient quelques libéralités avec celui-ci. Mais bien qu'il fut incapable d'expliquer le déficit soudain d'une grande société qui avait toujours été florissante, Shoriu était peut-être ignare sur la question mais n'était pas stupide pour autant. De fait, son action prit au dépourvu pas mal des serviteurs qui s'étaient encroûtes dans le luxe grâce à la direction sans restriction de Shoriu. Celui-ci vendit sans crier gare sa société et répondit aux protestations des employés qui voyaient très bien que changer de patron signifiait ne plus avoir d'occasion de profiter de celui-ci. C'est ainsi qu'il se retrouva détenteur d'une fortune colossale placée sur un compte en banque sans investissement, sans taux d'intérêt, dans une banque fiable loin d'ici. Il disposait de fonds quasi illimités mais n'avait plus de revenus et surtout, il était seul désormais, mais à ses yeux la solitude valait mieux que d'être entouré de personnes mal intentionnées, à l'hypocrisie flagrante.
Shoriu se réveilla brusquement, des sueurs froides dans le dos en plein milieu de la nuit. Il avait encore rêvé de sa jeunesse naïve et bien qu'il aurait pu s'habituer à cela, ce n'était pas le cas. À chaque fois que cela recommençait il ne pouvait s'empêcher de maudire sa stupidité de l'époque. S'il avait su quoi faire, s'il ne s'était pas laissé dorloter dans le coton pendant sa jeunesse, il aurait pu utiliser le pouvoir de son empire financier afin de mener à bien certaines tâches. Désormais il devait mener la lutte seul. Il savait bien que ses employés ne lui auraient pas obéi par fidélité mais par intérêt, il lui arrivait d'ailleurs fréquemment de réquisitionner contre paiement comptant les services de divers individus, le plus souvent pour des renseignements. Devenu bien plus dur qu'il ne l'aurait souhaité à cause du choc qu'il avait eu lors de ce qu'il considérait comme la trahison des employés de l'entreprise familiale, il n'hésitait pas à annoncer clairement aux informateurs qu'ils risquaient gros, dans l'intérêt de la continuité de leur vie, s'ils lui faisaient parvenir des renseignement fallacieux. Car telle était la vie de Shoriu désormais, il menait une vie de façade de riche héritier n'ayant pour autre but que de vivre dans le luxe, reclus de tous ayant pour seule compagnie son mobilier. Derrière cette façade, il se renseignait sur le monde qui l'entourait et de manière plus ciblée sur les criminels qui peuplaient les grandes cités. Il avait plus d'une fois fait appels aux services de tueurs à gages pour mettre un terme aux activités, et par la même occasion à la vie, de certaines pourritures notoires. La vie de ses hommes lui importait peu car ceux qui étaient prêts à tuer pour de l'argent n'était pas ce qu'on pourrait qualifier d'enfants de coeur. Les années allaient bon train sur ce mode de vie, mais il ne restait pas oisif tandis que les grandes têtes du crime tombaient les unes après les autres. Il avait embauché un ancien tueur à gage qui s'était retiré du métier, il ne lui avait jamais demandé sa raison car il s'en fichait pas mal, tout ce qui l'intéressait était d'acquérir lui même une maîtrise complète de tous les types d'armes à feu existants. Car de fait, une fois que sa fortune aurait été dilapidé pour l'embauche de ces tueurs peu scrupuleux, il devrait lui même mettre la main à la pâte.
Cela dit, en parallèle à tout ceci, il employait des informateurs dans un but différent de celui de la recherche et du meurtre des grands pontes du crime. Il avait dressé grâce à ces gens une liste de personnes qui semblaient avoir des idéaux pour le moins élevés et une forte tendance à vouloir la justice avant tout. Il se doutait bien que moins d'un dixième conviendrait à son goût, mais il rencontrerait ces gens personnellement afin de se faire une idée plus précise que celle rendue sur papier. Cette rencontre se faisant bien évidemment après une certaine durée d'espionnage de sa part, il voulait être sûr de ne pas se tromper en donnant sa confiance. De fait il ne l'avait accordé à personne depuis longtemps et aucune précaution n'était de trop car à l'idée d'être à nouveau trahi, Shoriu sentait qu'il ne s'en relèverait pas. Il avait repéré depuis longtemps un homme qui semblait se déplacer de par le monde entier, tuant de façon parfois exotique, parfois inexpliquée, nombre de personnes, mais les gens en questions étaient tous plus ou moins trempés jusqu'au cou dans des affaires immorales et illégales. Ainsi cela ne lui prit pas longtemps à additionner deux et deux et à comprendre que d'autres gens que lui avaient le même objectif. Mais contrairement à lui dont les victimes étaient toutes exécutées par l'arme blanche ou le fusil, l'autre semblait disposer de capacités particulières sans lien aucun avec l'argent et c'est cela qui l'intéressait. Son plan était simple, espionner puis rencontrer les gens qu'il avait fait lister comme potentiellement intéressés par la justice, réunir ceux qui en valaient la peine et remonter la piste du tueur mystérieux afin de lui proposer alliance.
Quelques mois après le lancement de son plan, il eut le déplaisir de réaliser qu'il avait été bien optimiste. Sur plus d'une centaine de candidats potentiels, seuls trois avaient retenu son attention. Les deux premiers avaient été pendant leur jeunesse des manifestants engagés et avaient abandonné après avoir réalisé que la seule parole ne les mènerait à rien, ils s'étaient isolés pour s'entraîner, l'un à la maîtrise des armes blanches et des armes à feu légères, ainsi que de certains arts martiaux. L'autre était beaucoup plus affaibli et ne s'entraînait qu'à la maîtrise de l'épée, comme si l'objet en question était la seule chose qui le rattachait à la vie. Le troisième faisait parti d'un corps de marines, il avait été recueilli étant enfant par un haut gradé à la retraite et y avait fait carrière en démarrant en bas de l'échelle, refusant le pistonnage qui aurait été facile par le biais de son père adoptif. Il décida donc de commencer par les deux premiers. Ils vivaient seuls et ne fréquentaient personne, ce qui lui faciliterait la tâche. Les deux hommes bien que ne se connaissant pas vivaient de leur chasse et de leur pêche dans un coin reculé, une forêt encore sauvage située en altitude. Ils s'étaient installés tous deux dans une partie de la forêt en quittant la civilisation avec le strict minimum comme matériel, quelques lames et hachettes à bois, et des vêtements solides et bien peu urbains.Cela dit l'un d'eux avait amené avec lui un prodigieux arsenal de poignards, de lames courtes et même d'armes a feu. Géographiquement Shoriu était plus proche de celui qui se prénommait Njio et il commença donc par celui ci. Tactiquement ce choix était judicieux car le dénommé Njio s'entraînait ainsi en l'attente d'un groupe puissant à rejoindre et la proposition de Shoriu l'intéressa de but en blanc, il accepta de le suivre bien qu'ayant précisé au préalable qu'il n'avait pas intérêt à lui avoir raconté des salades au sujet de cet homme étrange, qui semblait faire justice comme bon lui semblait sous le nez des autorités impuissantes à réagir. On aurait facilement pu croire que cet homme qui s'entraînait en pleine nature depuis ses seize ans, qui en avait désormais environ une trentaine, serait d'une rudesse et d'une sécheresse désagréable, mais il faisait preuve d'un certain sang-froid et parlait de façon calme et posée. C'est ainsi qu'ils se dirigèrent en bavardant au sujet de leur but final vers le deuxième homme. Celui-ci était plus jeune de quelques années et il était infiniment moins à l'aise dans la discussion que Njio. Son visage n'arborait aucune expression sinon le manque de volonté, et il ne posait jamais son épée. Après quelques explications, il accepta de les suivre, bien que doutant profondément que l'homme que le dénommé Shoriu voulait rejoindre partage les mêmes idéaux que lui. De fait, son désespoir était né du fait qu'il avait toujours pensé qu'il était seul et le resterait, sa lame pour seule compagnie. Il ne voulut pas expliquer sa provenance car ce genre d'armes archaïques étaient bien peu courantes de nos jours, mais il semblait l'avoir utilisé violemment lors de ses entraînements sans que le tranchant ne s'émousse le moins du monde. C'est ainsi que les trois hommes repartirent à l'instigation de Shoriu, à la recherche du troisième homme. Le convaincre serait plus compliqué car celui-ci avait un emploi, et, bien que partageant les mêmes idéaux, ses méthodes et sa façon d'agir semblait lui imposer de rester dans la stricte légalité, ce qui n'aidait pas. Shoriu savait d'expérience que cette barrière devait être brisée si l'on voulait réellement nettoyer le monde.
Et pourtant, les choses se passèrent assez facilement bien que la raison ne fut pas aussi simple qu'elle paraissait au premier abord. Shoriu avait contacté l'homme anonymement et lui avait annoncé la chose de manière directe. Il voulait rejoindre un certain homme qui tuait pour la justice et avait pour ça besoin de gens capables de se battre, et il avait pour cela besoin de lui. L'interlocuteur en question se nommait Sarkastik, et, le hasard, si l'on en admet l'existence, avait fait en sorte que celui-ci était à la recherche du tueur en question, mais ses raisons étaient plus officielles et ses intentions étaient de l'arrêter. Aussi lorsqu'il accepta la proposition, ce fut uniquement dans le but de se rapprocher de sa cible. C'est ainsi que le groupe curieusement assorti se lança sur la piste du justicier hors la loi. Les derniers renseignements que Shoriu avait pu obtenir étaient assez frais et lorsqu'il eut finit ses préparatifs, en l'occurrence retirer tout ce qu'il restait de son compte en banque sous forme liquide et revendre son domicile, il paya un contrebandier pour les emmener par les airs sur les lieux indiqués par ses hommes. La quinzaine de morts datait d'à peine deux jours et il ne leur fut guère difficile de suivre la trace en se renseignant sur les décès de criminels récents. Lors du trajet, Shoriu réfléchissait quant à l'approche qu'il convenait d'adopter tandis que Sarkastik mettait au point son plan, mieux valait ne pas appeler directement ses supérieurs une fois qu'il aurait trouvé l'homme, il fallait qu'il comprenne ses méthodes afin de pouvoir le confondre devant un tribunal. Les deux autres suivaient. Njio semblait être intéressé par l'obstination de Thoner à refuser de s'entraîner ou de combattre autrement qu'à l'épée, et plus précisément cette épée-ci et aucune autre. Aussi les deux hommes discutèrent longuement pendant la route, et bien que mal à l'aise dans un premier temps, l'épéiste sembla s'ouvrir un peu plus d'heure en heure. Shoriu informa son trio que leur cible avait passé la frontière et s'était engagé dans une zone non peuplée, c'était la méthode que l'homme employait pour profiter de la lenteur des autorités à réagir en ces circonstances. À partir de là, la poursuite fut aisée, l'entraînement militaire de l'un et la vie en pleine nature des deux autres leur permettait de suivre la piste. Ils remarquèrent cependant que le tueur n'était pas seul, deux autres hommes marchaient derrière lui.
La rencontre eut lieu en début de soirée lorsqu'ils aperçurent un feu de camp isolé à la lisière des bois. Shoriu demanda à ses trois recrues de le suivre à quelques mètres, et s'avança à découvert afin de manifester que ses intentions n'étaient pas hostiles. Lorsqu'il atteint le campement, il y trouva trois silhouettes assises en face du feu et demanda sans ambages à parler à la personne qui dirigeait la marche. Personne ne répondit mais un homme aux cheveux ailes-de-corbeau se leva et le regarda en guise d'invite à la parole. Bien qu'il ait réfléchi et mis au point son approche pendant plusieurs jours, l'homme en face de lui dégageait quelque chose de particulier, qui n'était pas à proprement parler hostile, mais sa présence était imposante. Aussi Shoriu laissa tomber les propos qu'il avait prévu, il allait devoir improviser.
Il décida que la franchise était de mise et annonça sans passer par quatre chemins :
- « J'ai eu vent de vos activités depuis un moment déjà, je me suis renseigné sur les personnes auxquelles vous ôtez la vie et j'en déduis que votre but est plus ou moins similaire au mien, la seule chose que je ne sais pas, c'est la façon dont vous procédez mais ce n'est pas pour ça que je suis venu ici. J'ai réuni ces trois personnes avant de venir vous voir, je serai franc et direct, nous avons tous les quatre pour but de voir régner la justice en ce monde et vous semblez tenter de dépeupler le monde criminel à vous seul. Cela ne suffira pas, je le sais car j'ai longtemps agi ainsi, bien que, si j'en crois certaines rumeurs invraisemblables, vous agissez depuis plus longtemps que l'on ne saurait dire. Ces hommes et moi-même sommes prêts à mettre nos vies en jeu pour nettoyer la planète des pourritures humaines qui l'infestent, et je pense que nous avons tout intérêt à agir de concert plutôt que de façon isolée. »
Pendant que Shoriu annonçait ceci, ses trois compères étaient en proie à certains chocs. Sarkastik fut complètement ébranlé dans sa certitude, la seule présence de cet homme avait suffit à effacer sa certitude qu'il devait le faire arrêter, il ne ressemblait en aucun cas au genre de personne qui tue pour le plaisir et il émanait de lui quelque chose de complètement déconcertant. Njio et Thoner, quant à eux, comprirent que Shoriu n'avait en aucun cas exagéré, ils avaient là affaire à un leader-né potentiel et l'aura qu'il semblait dégager en disait plus que des mots sur sa détermination. C'était bel et bien l'homme qu'il leur fallait, Thoner cherchait la détermination et Njio recherchait un chef puissant.
Lorsque Shoriu eut fini de parler, le silence s'installa pour ce qui leur parut une éternité, bien qu'en réalité, seules quelques secondes s'étaient écoulées.
Majestic, car ils avaient bel et bien retrouvé la trace du tueur mystérieux, fut d'abord surpris par la proposition abrupte de Shoriu, un homme normal aurait tout de suite vu cela comme suspect, mais ce n'était pas le cas. Majestic avait vécu suffisamment longtemps, assez longtemps pour être incapable lui-même de dire combien de temps, pour savoir déceler le mensonge ou les intentions cachées derrière les paroles de façade. Cet homme était sincère de toute évidence, la chose qui l'avait surpris venait en fait d'un constat qu'il avait fait et que cette proposition venait de faire voler en éclat. Il avait toujours cru, bien que certaines personnes qu'il avait croisé durant sa longue vie aient un avis similaire au sien, qu'il était le seul à avoir la détermination suffisante pour tout sacrifier à ses idéaux. Et voilà que quatre hommes se présentaient à lui et lui proposaient de façon implicite de disposer d'eux afin de l'aider dans ses activités. Leur sincérité était démontrée par leur seule présence, ils étaient venus le trouver malgré les difficultés que cela impliquait, ils s'étaient avancés bien en vue et ne manifestaient aucune intention hostiles.
Au terme de cette réflexion à leur sujet il leur annonça qu'il n'avait pas de temps à perdre, et que bien que Shoriu ait dit vrai au sujet de l'efficacité supérieur d'un groupe à des individus isolés, cela ne pourrait marcher que s'ils étaient tous prêts à dédier leur vie et donc tout leur temps à l'idéal de justice. Il leur précisa qu'il fallait être prêt à sacrifier toute la vie qu'ils avaient derrière eux, et à renoncer à leur identité sans quoi l'entreprise serait vouée a l'échec. Tous acquiescèrent et, chose qui le surpris, même les deux personnes qu'il avait tout simplement pris pour des observateurs curieux déclarèrent être prêts à tout pour l'aider dans cette tâche. Même Sarkastik qui était venu déterminé à l'arrêter, avait réalisé que la justice ne pouvait être institutionnelle. Il avait toujours pensé que la corruption naissait de la présence de criminels mais il ne le pensait plus désormais. C'est ainsi que les six personnes réunis prêtèrent serment de le suivre et de l'aider dans sa tâche d'épuration du monde. Majestic ne put qu'accepter cet élan de brutale sincérité et eut un choc, il ressentit quelque chose qu'il n'avait pas éprouvé depuis des siècles, il n'était plus seul désormais, mieux, il était accompagné par des gens déterminés à poursuivre les mêmes idéaux que lui. Majestic ne versa pas de larmes, mais sur une pomme noirâtre posée près du campement, une petite parcelle se mit à blanchir.
5. Barrières
Dans un vieil immeuble abandonné, sept personnes étaient regroupées près d'un feu de camp placé derrière un mur à moitié abattu, afin que la lueur ne soit pas visible depuis la route. Six d'entre eux dormaient à même le sol, le septième montait la garde et songeait aux grands changements qui avaient fait irruptions dans sa vie. Certes l'on ne pouvait pas considérer qu'il accordait une confiance absolue au petit groupe qui l'avait rejoint de façon disparate, mais le seul fait d'accepter l'aide de quelqu'un était un bouleversement majeur de ses habitudes, car depuis des temps immémoriaux, il avait toujours agi seul. Et voilà que ces gens s'étaient imposés à lui, et avaient accepté sans réserve de mettre leur vie en jeu pour la cause qu'il servait lui-même. Lui qui avait vécu des siècles sans rencontrer qui que ce soit d'aussi déterminé se voyait désormais entouré de six personnes en quelques semaines à peine, et cela le laissait perplexe. À contrecoeur, il devait rejeter l'hypothèse selon laquelle le problème venait du coeur même des hommes, la seule raison qui laissait le monde sans protection face à la vermine qui l'infestait n'était pas l'intention, mais la force du peu de gens désirant agir pour le bien de celui-ci. Aucun homme seul ne pouvait agir car il serait impitoyablement écrasé par la masse grouillante autour de lui. Personne, pas même lui, n'en aurait eu la force lorsqu'il n'était encore qu'un homme comme les autres. Ces réflexions l'amenèrent à la conclusion qu'il pouvait employer de façon bien plus efficace ses dons particuliers. Plutôt que d'agir seul et de façon dénuée de risque, il avait devant lui le choix de prendre un pari risqué, celui de réunir autour de lui ceux qui étaient prêts à se battre. La solitude était le fléau qui privait l'humanité du bien qu'il y avait en elle, car ceux qui manifestaient un vif désir de réformer le monde pour son plus grand bien étaient immédiatement isolés et réprimés par une foule si bien esbaudie dans son confort servile, qu'elle se refusait à tout changement. C'est ainsi que Majestic prit la décision de mener deux combats de concert. Il continuerait de faire couler le sang des déchets qui salissaient le monde, et recueillerait les solitaires qui désirent servir une cause juste.
Les jours avaient passé depuis que Shoriu avait tout aussi maladroitement que sincèrement proposé son aide, proposition qu'avaient rejoint les cinq autres. Les membres de cette petite compagnie avaient appris à se connaître. Dez, qui était assez expert dans l'art de sauter dans le plat à pied joint, tentait sans cesse d'inciter Shoriu à la discussion, ce qui n'était pas le point fort de celui-ci. Dez n'avait jamais utilisé d'arme de sa vie et les divers fusils de longue portée qu'utilisait son compagnon improvisé l'intriguaient. À côté de cela, Njio était interpellé par l'obnubilation de Thoner pour son épée. Njio s'était entraîné à manier toutes les armes légères, à feu comme les lames, et il ne comprenait pas pourquoi cet hurluberlu se bornait à n'utiliser que cette arme, il ne la quittait jamais, il allait même jusqu'à dormir avec. Pour des raisons propres à chacun, Elenwë et Sarkastik étaient plutôt silencieux, le premier se contentant d'observer sans en louper une miette, car de sa vie, c'était peut-être la seule chose vraiment intéressante qu'il avait pu voir. Le second était en proie à un dilemme qui venait ébranler toute sa résolution. Il était venu empli de certitude mettre fin aux actes de l'homme auquel il avait prêté allégeance. Il avait bel et bien été sincère lors de ce geste et c'est bien là que se situait le problème. Comment pouvait-il s'être trompé durant toute sa vie sur la manière dont la justice devait être appliquée ? Pour lui, la loi et la justice ne faisaient qu'un, et voilà qu'un homme absolument hors-la-loi se battait pour la justice sans rien recevoir en retour. Ce n'est que quelques jours plus tard que Dez, remarquant le malaise du militaire qui les accompagnait, engagea la conversation avec lui, sa propre expérience bien que courte des sphères militaires d'où naissaient les décisions lui permit d'aider Sarkastik à réaliser le concept de corruption. Ce concept qui avait toujours appartenu au monde illégal pour ce dernier, mais, devant la réalité des faits, il ne pouvait qu'admettre que la corruption était universelle.
Majestic avait évalué la situation de manière mathématique. Lorsque l'on agit seul, une seule volonté nous aide, de toute évidence la nôtre. Dès lors qu'une personne offre son soutien, si l'on retourne cette faveur les deux reçoivent autant d'attention. Mais si plusieurs le font, chaque membre se retrouve individuellement soutenu par plusieurs personnes, le potentiel de ce fait pouvait bien être ce qu'il lui manquait. Combattre pour des valeurs honnêtes lorsque l'on ne dispose d'aucun humain avec qui les partager n'avait pas de sens. Malgré tout le temps dont il avait disposé, il avait fallu l'apparition de ces six inconnus pour le lui faire réaliser. S'il arrivait à les fédérer et à les aider, instaurer une loyauté sans faille entre chacun, il pourrait parvenir à ses fins. En fin de compte la situation était plutôt ironique, il avait tenté de lutter seul contre la solitude et les méfaits qui en découlaient. Cette barrière invisible qui divise les hommes devait tomber en tout premier lieu avant que quoi que ce soit puisse avancer. Il emploierait désormais sa volonté inébranlable à abattre les barrières qui apparaîtraient entre les gens qui avaient décidé de le suivre. Ainsi peut-être, les choses pourraient réellement changer.
6. Les moyens et la cause
Ce soir, tout devait se passer rapidement avant l'arrivée des autorités locales. Il serait de toute évidence du plus mauvais effet d'être repérés au milieu de cadavres et armes de contrebandes épars. Si tout se déroulait selon le plan, et il l'avait revu maintes fois avec son chef, il ne devrait pas y avoir d'accroc. Cela faisait bien dix ans que Darkgun travaillait pour Magic et il avait survécu jusque là. Bien sûr, quelques fois les choses n'avaient pas tourné comme prévu et il avait fallu improviser, mais ce n'était pas une activité qui laissait place aux indécis. En l'occurrence, ce soir, l'objectif était de faire capoter un échange entre deux gangs afin d'éviter que la pègre locale ne se trouve un chef unique. Si cela devait arriver, dans une cité aussi vaste, une mafia structurée ne tarderait pas à apparaître et c'était la dernière chose qu'ils désiraient. Le deuxième séide de Magic, négociait tout autant en bourse que sur le marché noir et avait fourni le matériel nécessaire. Ymmit avait vraiment le chic pour flairer les bonnes affaires et avait rodé sa stratégie sur quelques trucs tout simples, attitudes et comportement visant à déstabiliser les gens avec qui il faisait affaire. Il était même allé jusqu'à porter en permanence un cache-oeil qui attirait manifestement l'attention dans les milieux mondain et mettait plutot mal à l'aise les «proies» qu'il s'était choisi pour négocier. Mais revenons en à la concrétisation de cette opération. Darkgun qui avait réussi à infiltrer l'une des deux bandes rivales devait échanger la marchandise prévue, des armes en l'occurrence, avec des modèles plus anciens et moins efficaces afin de détériorer le climat. La suite du plan devait mener une fusillade et le trio était rodé à l'art de les provoquer. Personne ne niait que cela comportait un certain risque, mais ils l'acceptaient.
Tout était prêt, Darkgun était nerveux mais il avait appris à le cacher avec l'expérience et il attendait le bon moment pour agir. Magic était placé à distance en face de ce dernier et il était armée d'un fusil silencieux à longue portée. Darkgun s'était donc adossé à la voiture qui contenait la marchandise délivrée par le gang dans lequel il s'était facticement enrôlé. Il attendait patiemment l'arrivée de l'autre bande, ce qui ne tarda pas. Les négociations étaient cordiales, ce qui est toujours mieux lorsque les deux groupes face à face sont armés, et l'argent avait été apporté, deux hommes de mains allèrent prendre les quatre caisses qui contenaient les armes. À l'intérieur devait normalement se trouver le modèle dernière génération de mitrailleuse semi-automatique employé par l'armée, et dont quelques exemplaires avaient atterri sur le marché noir. Lorsque les caisses furent ouvertes, le ton commença à monter et les deux groupes se regardaient en chien de faïence. C'était ce moment d'indécision que Magic guettait, il visa soigneusement et tira une seule balle, après quoi il rampa en silence mais avec célérité hors de l'entrepôt où se tramaient les négociations désormais plus que tendues. La dite balle atteignit la vitre situé juste à coté de Darkgun et celle-ci vola en éclat. Ce dernier comprit le message et tout en débitant un chapelet de jurons, sortit son revolver et commença à tirer dans le tas et se mit à couvert. Il tira quelques munitions en direction du gang opposé tout en visant discrètement de l'autre main à l'aide d'un revolver équipé d'un silencieux, certains membres du groupe auquel il était mêlé. De cette manière là, il équilibrait plus ou moins la fusillade de façon à ce que la plupart des gens ici présents finissent morts ou pour le moins incapable de se déplacer avant l'arrivée de la police. Ainsi donc après avoir jaugé que la situation était plus ou moins à son goût, il vida un chargeur pour la forme et prit discrètement la tangente et plongea dans les eaux sales du port. Il longea le quai et ressortit quelques centaines de mètres plus loin, Magic l'aida a se hisser hors de l'eau et ils prirent le véhicule de celui-ci afin de s'éloigner rapidement des lieux. Le plan avait parfaitement fonctionné.
Journaux en main, le trio se réunissait afin de prendre connaissance du point de vue officiel sur l'évènement et d'éventuelles pistes qui les mettraient en danger. Mais le rapport des faits était plutôt sommaire et ne faisait allusion qu'à une dispute de gang soi-disant rivaux qui avaient décidé de mettre les choses au clair, l'arme à la main. Trois survivants avaient été hospitalisés en urgence mais sans pouvoir être sauvé de par la quantité trop importante de sang perdue. Il ne restait donc aucune trace, Magic décida donc d'entamer la discussion concernant le prochain objectif. Sur ce coup-là il n'avait que très peu de renseignements, un groupe de personnes, dont il n'avait pu obtenir ni descriptions ni revendications, décimait les groupes de malfrats de la région. Certes ce n'était pas pour lui déplaire mais si le but du dit groupe était de devenir la tête d'une future organisation criminelle structurée et parfaitement organisée, il devait étouffer leur montée avant que cela ne prenne de trop grandes proportions. Au terme de leurs discussions ils décidèrent dans un premier temps une approche passive et Ymmit fut chargé de rencontrer le groupe afin de négocier du matériel, légal comme illégal, et surtout d'obtenir des renseignements. Les pister ne serait pas bien difficile car les bains de sang qui décimaient les populations criminelles locales n'avaient que deux sources, leur petit trio et ce groupe inconnu. Cela ne lui demanda donc que quelques jours avant de les repérer. Il n'utilisa pas de méthode de mauvais goûts, comme les négociations par lettres remises dans des endroits insolites à des heures tardives, comme on en voit tant dans les mauvais films policiers. Sa méthode était simple et efficace, s'approcher de sa cible, habillé de façon simple et de vêtements ne pouvant cacher aucune arme, un attaché-caisse à la main. En l'occurrence, le groupe qui était son objectif était en planque dans un vieil immeuble branlant. Ymmit fit suffisamment de bruit pour être sûr que personne ne vienne à penser qu'il s'approchait furtivement et entra. À peine eut-il le temps d'ouvrir la porte qu'il se retrouva avec une lame sous la gorge. Un homme au visage inexpressif montait la garde adossé au mur à coté de la porte tandis que le reste du groupe se reposait. En bon professionnel Ymmit ne cilla pas, déposa sa valise au pied du gardien et leva les deux mains. Ce dernier rengaina son épée et laissa entrer le visiteur. Les gens présents ici présentaient pour le moins un aspect assez hétéroclite. Le garde alla réveiller l'un d'entre eux qui ne semblait pas vraiment dormir car il se redressa promptement et se dirigea vers le visiteur et s'adressa à lui en ces termes :
- « À quoi devons-nous votre présence ici?
- Je suis marchand et j'ai entendu parler, disons, de votre secteur d'activité. Je me suis laissé dire que vous pourriez être intéressé par l'achat d'équipement, bien qu'à première vu, vous disposez apparemment d'un bel arsenal.
- Nous n'avons pas d'argent à offrir dans quelque négociation que ce soit, mais tu ne nous dis pas tout et j'aimerais bien connaître ta motivation première », susurra l'homme aux cheveux d'ébène, et même si ses paroles pouvaient sembler douces, son ton avait le mordant de l'acier.
Ymmit était habitué aux négociations tendues et le stress ne l'empêchait pas de réfléchir à toute vitesse. Ces hommes tuaient sans hésitations des malfrats de réputation endurcie, mais affirmaient ne pas posséder d'argent. Ils ne semblaient pas non plus être une bande de voyou tuant pour le plaisir et le choix de leurs cibles était assez significatif. Il ne mit pas longtemps pour additionner deux et deux et en conclure que ces gens étaient en quelques sorte des justiciers improvisés comme il en finit si souvent en prison. Cela dit, ce groupe-ci semblait malgré leur petit nombre, avoir pas mal d'expérience et une aura de solidité émanait d'eux. Le fait que même les renseignements dont Magic disposaient ne lui permettaient pas d'identifier ces hommes en disait long sur leur capacité à échapper aux autorités. Il avait la confiance de son chef et il prit l'initiative de ne pas y aller par quatre chemins. Qui plus est, lui qui avait toujours roulé dans la farine des négociants réputés pour être des requins, se sentait incapable de mentir de façon assez convaincante et quelque chose lui disait qu'il ferait mieux d'éviter. Il reprit donc la parole d'une voix nonchalante :
- « Très bien puisque je n'ai pas le choix, je vais tout vous dire de but en blanc. Je travaille pour quelqu'un et ce dans le but d'armer éventuellement des gangs rivaux ou en affaires, de façon mesurée, sans trop ni pas assez de matériel, la plupart du temps des armes. Tout ceci dans l'objectif de réduire à néant ces nuisibles en les laissant s'entretuer et en veillant à l'équilibre afin d'éviter qu'un groupuscule ambitieux et compétent se mette à lorgner vers de plus hauts degrés de criminalité. En ce qui vous concerne je suis venu dans l'objectif de recueillir des renseignements sur vous sous couvert de vente de matériel. En conclusion je ne vous révélerai évidemment pas le nom de mon employeur quoi que vous puissiez me faire, bien que je pense que si je ne me trompe pas nous pourrions avoir des intérêts communs. Si l'un d'entre vous accepte de m'accompagner seul je le présenterai à mes associés. Je vous laisse décider, la balle est dans votre camp désormais. »
Tout le groupe était maintenant réveillé et Majestic intima d'un mouvement du menton à Njio de le rejoindre. Il lui murmura quelques mots a l'oreille et celui-ci alla rejoindre l'homme à l'attaché-caisse, après quoi il s'adressa à lui.
- « C'est d'accord, je t'accompagne jusqu'à ton chef, je viendrai seul mais pas sans armes, de cette manière, si jamais l'un de vos associés ou moi-même tentions quoi que ce soit, il y aurait des victimes des deux cotés, cela vous convient?
- Parfait, le marché me semble tout à fait honnête, eh bien ne perdons pas de temps et allons-y. »
C'est ainsi que les deux hommes se rendirent au domicile secondaire de Magic qui avait pour l'occasion convoqué Darkgun. Les quatre hommes discutèrent et en vinrent à la conclusion que leurs objectifs étaient les mêmes. Toutefois Magic était interloqué par l'ambition du groupe, tout en sachant que jusque là, ils avaient toujours joué avec deux coups d'avance sur les autorités policières et n'avaient jamais raté leurs coups. Qui plus est, leur mode opératoire ne nécessitait pas tout ce temps de planification, ni la morne obligation d'attendre que les occasions se présentent. Lui qui pensait pouvoir éventuellement recruter de nouveaux associés pour ses opérations commença à penser dans le sens inverse. Si avec l'aide d'Ymmit, il revendait toutes ses possessions autres qu'armes et munitions et rejoignait ce groupe, cela lui offrirait une couverture bien plus efficace que celle d'un PDG connu. Il avait déjà songé à l'avantage de l'absence d'identité mais sans cela, il lui aurait été difficile d'avoir les moyens de se procurer l'équipement nécessaire au nettoyage des divers gangs qui infestaient les rues. Pourtant, le groupe que lui avait décrit l'homme qui affirmait s'appeler Njio ne semblait pas rencontrer ce genre de problème. Magic proposa donc une rencontre globale afin de se rendre compte de lui même si les compagnons de cet homme avaient l'envergure voulue pour la tâche. La rencontre eut lieu dans l'heure qui suivit au même endroit, et il ne fallut pas longtemps pour le convaincre. De tout le groupe ici présent ressortait une détermination inébranlable, une volonté que rien n'arrêterait. Il ne lui en fallait pas plus, il savait que les talents de ces hommes lui seraient utiles et que réciproquement les connaissances, les moyens financiers et l'armement dont ils disposaient lui et ses associés seraient très utiles à ce petit détachement de justiciers.
C'est ainsi qu'en une petite semaine, Ymmit liquida les biens des entreprises de Magic tandis que celui-ci laissait son poste à la meilleure offre. L'expert marchand avait dispersé les fonds dans diverses banques afin de pouvoir les retirer intégralement en liquide. Darkgun quant à lui s'était occupé de réunir les armes et les munitions qui leur restaient et les emballa de façon pratique à transporter sans véhicule. Le groupe commençait vraiment à prendre de l'ampleur tant par ses membres que par son équipement et la nécessité d'avoir un lieu de réserve allait commencer à se faire sentir.
7. Stabilisation ~ Sédentarité
La situation se dégradait sur le plan de la discrétion, et le groupe devait de plus en plus souvent prendre garde aux mailles du filet des autorités qui se resserraient autour d'eux. En effet, il devenait difficile de passer inaperçus lorsqu'on était une dizaine et qu'on transportait constamment une demi-douzaine de sacs lourdement chargés. Ils firent une halte à la sortie de la ville afin de se concerter, ils devaient prendre des décisions afin de remédier à ce problème. La solution fut plus ou moins suggérée par les deux militaires du groupe. Étant les seuls à avoir une expérience du combat à plusieurs en territoire hostiles, Dez et Sarkastik étaient bien placés pour savoir commencer procéder. Ils déclarèrent donc que s'ils voulaient continuer à procéder ainsi, ils devaient agir en groupe moins nombreux lors de petites séparations et tous ensemble lors des attaques majeures. De fait, ils ajoutèrent que pour ceci il leur fallait être facilement mobile, non encombrés par leur matériel et surtout disposer d'un point de ralliement nécessaire à une telle coordination. C'est ainsi que naquit le projet d'établissement d'un quartier général.
Majestic fit suggestion d'une grotte naturelle ne présentant aucun intérêt historique ou géologique qui n'était probablement pas connue de l'homme. Celle-ci n'était en tout cas pas cartographiée sur le plan de la région, et il ne l'aurait probablement jamais aperçue s'il n'avait pas arpenté le monde pendant plusieurs siècles. Après une rapide inspection des lieux, les deux officiers approuvèrent de la solidité de la voûte. Avec quelques charges explosives, des poutrelles d'aciers pour étayer le tout, et quelques séances de piochage pour élargir les gorges trop étroites, le lieu conviendrait parfaitement. La grotte n'était pas humide, ce qui était la première chose qu'ils avaient vérifié. En effet, il aurait été hors de question d'entreposer des armes dans un lieu où le toit dégouline continuellement. La tâche d'achat du matériel fut donc confiée à Ymmit qui était le plus apte non seulement à acquérir le nécessaire à bas prix, mais aussi de savoir dans quels lieux trouver la qualité nécessaire, mieux valait éviter de recevoir la moitié d'une montagne sur le coin de la figure. Il se fit accompagner par Sarkastik afin de transporter le matériel dans un camion payé comptant, duquel ils avaient soigneusement ôté l'immatriculation après avoir ramené les matériaux. Elenwë, qui avait pour habitude de vivre en pleine nature, partit en reconnaissance dans le coin pour trouver l'itinéraire le plus court à la source d'eau la plus proche. Car si la nourriture peut facilement être stockée, l'eau croupit rapidement. Toute cette opération n'était constituée que de détails mais la plupart étaient vitaux. Les équipes de travail furent déterminés ainsi : Dez et Sarkastik devaient poser des charges explosives plus ou moins puissantes selon les endroits afin d'obtenir un lieu de forme relativement rectangulaire. Njio, Thoner et Darkgun étaient chargés de déblayer les gravats et d'affiner les parois à coup de pioche, tout en installant régulièrement les poutrelles, aidés par les deux militaires. Shoriu et Magic n'avaient jamais touché un outil de leur vie, aussi restèrent-ils relativement passif pendant les opérations, aidant ça et là lorsqu'ils le pouvaient.
Les travaux avançaient bien, l'entrée avait été élargie selon les plans de Sarkastik qui s'occupait principalement du convoiement et de l'entreposage du matériel, ainsi que des plans de la structure globale. Dez quant à lui s'était fixé pour tâche de modifier l'intérieur de la grotte et dirigeait l'équipe de piocheurs improvisés afin d'aménager les différents boyaux de celle-ci en salles diverses. Majestic ne tenait pas en place et continuait son oeuvre seul bien qu'il se rendit sur le site plusieurs fois afin de prendre connaissance de l'avancée du travail. Elenwë revint quelques jours après pour déclarer que la meilleur piste consistait à longer le flanc de montagne jusqu'à un bras de rivière qui en descendait, le courant était vif et l'eau ne stagnait pas. S'y rendre avec le camion prendrait une vingtaine de minutes afin de refaire les réserves d'eau et nettoyer les affaires souillées. Sarkastik avait achevé le plan de la grotte, aidé par Dez pour ce qui concernait les différentes salles. La forme finale du repaire était un long couloir débouchant sur une dizaine de salles de tailles variées. Deux d'entre elles serviraient de quartiers lorsque le groupe dormirait sur place. Les huit autres avaient une fonction utilitaire. Le tout avait été construit de façon à pouvoir être agrandi afin de stocker plus de matériel, ou de gens. Les combustibles furent rangés dans une salle éloignée de celles où étaient entreposées armes et munitions. Deux autres encore servaient au stockage de nourriture de longue conservation, telle que des conserves et des aliments séchés. L'une d'entre elle, vaste, aux parois et voûtes solides, fut intégralement renforcée du sol au plafond par du béton armé. La période durant laquelle cette salle avait été créée afin de servir de salle d'entraînement devait à jamais laisser un souvenir au groupe. En effet Njio, Dez et Darkgun qui trouvaient l'ambiance de silence et de sérieux pesante avaient décidé de changer un peu les choses et une partie du béton non séché avait servi de boules de neige improvisées. L'idée était certes peu judicieuse et outre le gaspillage, ils perdirent une journée de travail, mais la caverne retravaillée véhiculait ses premiers échos de rires depuis sa naissance. Les liens se renforcèrent au cours de ces travaux et de ces petits défoulements amicaux, Njio avait finit par dérider l'épéiste et Sarkastik avait finit par cracher le morceau sur ses premières intentions ainsi que sur son changement d'avis. Du petit trio qui les avait joint récemment, bien qu'Ymmit et Magic aient un comportement professionnel et introverti, Darkgun avait rejoint la bande de joyeux lurons qui avaient insisté pour qu'à la liste des provisions en nourriture soient ajoutés quelques bouteilles d'eau de vie. Ils arguèrent en toute hypocrisie que contrairement à l'eau, les alcools ne pourrissaient pas en quelques jours.
Une fois achevée, la grotte ressemblait relativement à un insecte à dix pattes. Un long couloir aux salles symétriquement opposées. Dans l'aile Est se trouvaient la salle d'entraînement, celles des armes et munitions, et les trois autres étaient respectivement occupées par la nourriture , l'eau et les boissons, et le camion. Tandis que dans l'aile Ouest se trouvaient les deux salles qui servaient de dormoir ainsi qu'une qui avait servi d'atelier durant les travaux et servirait probablement encore de cette manière, les pioches et autres outils y étaient stockés. Les deux dernières salles Ouest étaient vides pour le moment. Lorsque Majestic repassa par là, il eut l'agréable surprise de constater que leur nouveau quartier général était un chef d'oeuvre de débrouillardise. Évidemment le luxe et le confort ne primaient pas, mais l'aspect fonctionnel des lieux avait été minutieusement travaillé. Quand il entra, le groupe entier était dans la salle d'entraînement, les travaux précis et mesurés leur avait donné une profonde envie de se défouler. Darkgun et Njio qui s'étaient entraînés seuls au maniement des armes à feu recevaient les conseils de Sarkastik et Shoriu qui eux avaient été minutieusement entraînés par des professionnels. Magic et Ymmit étaient déjà formés aux armes à feu et ils apprenaient désormais à manier des lames de tailles diverses en affrontant Thoner, toujours aussi entêté quant au fait de ne s'entraîner qu'avec son épée. Dez n'était pas intéressé par les armes et s'entraînait seul, bien que de temps à autre, il affrontait et tentait de désarmer à main nue les manieurs de lames, tandis que ceux-ci apprenaient en contrepartie à se défendre au corps à corps. Seul Elenwë ne s'entraînait pas pour le moment, mais cela ne voulait pas dire qu'il n'apprenait rien, car dès lors que le groupe se rendait à la salle d'entraînement, il ne ratait pas une miette de ce qu'il se passait et tentait d'assimiler la théorie de toutes les disciplines pratiquées sous ses yeux. Majestic n'avait jamais eu de chez lui depuis sa nouvelle vie et il trouva la sensation étrange. Ce n'était pas désagréable, plutôt troublant. Quoi qu'il en soit la situation lui convenait, l'efficacité dont avaient fait preuve les gens qui l'avaient rejoint l'assurèrent de leur détermination. Ces gens se battraient jusqu'au bout à ses cotés, ils n'étaient désormais plus seuls. Certains s'entendaient mieux avec d'autres, mais le but, l'entraînement et le domicile commun les rapprochaient, de même que leur dévotion envers celui qu'ils avaient choisi pour chef.
8. Séparation ~ Augmentation
La réunion de ce soir avait un objectif différent des réunions précédentes. Leurs rassemblements quotidien avait pour but de se séparer en équipes de deux ou trois afin d'agir le plus discrètement possible, ainsi que de frapper à plusieurs endroits simultanément. Mais ce soir à l'instigation de Majestic, le groupe devait trouver de nouveaux membres, c'est dans ce but qu'ils évoquaient ce soir là les gens qu'ils pensaient convenables. Shoriu leur parla de l'un des tueurs à gages qui avait pour particularité de n'accepter que les contrats visant des cibles vivant dans le monde de la pègre, tandis qu'Elenwë leur fit part d'un drôle de bonhomme qui vivait avec les animaux dans la forêt pas loin de chez lui. Ce furent les deux seuls considérés comme potentiellement aptes à les rejoindre, aussi s'organisèrent-t-ils en trois groupes distincts. Majestic, Thoner et Njio avaient pris pour charge de continuer le nettoyage tandis que deux autres groupes allaient partir a la recherche des individus pré-cités. Shoriu fut donc accompagné par Magic, Ymmit et Sarkastik, tandis que les trois autres partirent en direction de la forêt.
Tandis que les deux anciens hommes d'affaires discutaient librement le long du trajet, les deux autres ne bavardèrent que très peu. Shoriu n'était pas sûr de retrouver la personne qu'il avait en tête car celui-ci était du genre remuant, ce qui est plutôt sensé lorsque l'on s'adonne au meurtre. Il avait pour habitude de l'appeler sur une ligne téléphonique privée et de lui donner rendez-vous en nommant des lieux qui ne correspondaient pas à l'endroit réel de la rencontre. Ils avaient déterminé un périmètre de la ville, et chaque rendez-vous se situait à l'opposé par le centre de la carte. Comme il le craignait, son appel ne reçut pas de réponse immédiate, aussi laissa-t-il un message concernant un rendez vous devant l'église de la ville, qui correspondait selon leurs codes à l'arrière d'un vieux bar tout ce qu'il y a de plus banal. Ils allaient devoir attendre que Yoh, ou Yoh_asakura pour les clients, fassent le premier mouvement. La tâche consistait maintenant à surveiller le coin sans paraître suspect.
Elenwë appréciait la marche loin des villes sur le petit sentier qu'ils avaient empruntés, mais l'on ne pouvait pas en dire autant de Dez et Darkgun qui s'ennuyaient comme des rats morts. Ils discutaient de temps en temps et bien que la marche ne fut pas particulièrement fatiguante, tous ces détours entre des branches qui prenaient un malin plaisir à vous servir de brosses à dents improvisés leurs tapaient sur le système. Ils firent pas mal de pose tous les deux pour se taper dessus, plus par jeu que par quoi que ce soit bien évidemment, après quoi ils rattrapaient le vieil homme en courant. Celui-ci ne marchait pas très vite car il appréciait de se retrouver ici et les mauvaises langues diront qu'il le faisait exprès pour le plaisir mesquin de les voir s'arracher les cheveux. De toute manière la marche allait être longue car Radagast, l'ermite aux animaux comme il l'appelait, n'avait pas de campement particulier dans la forêt, ils seraient donc obligés de tourner en rond pendant un bon moment.
Si les trois autres tenaient bien l'alcool, Shoriu qui n'en avait guère l'habitude commençait à avoir vraiment mal à la tête. Mais passer la journée dans un bar sans boire autre chose que des cafés ou diverses boissons non-alcoolisées paraîtrait suspect. Les trois autres se sacrifiaient vertueusement en sirotant leurs verres et en les vidant coup sur coup. Malheureusement pour notre buveur inexpérimenté, son estomac commençait à protester vigoureusement. Il aurait bien sûr pu le faire taire en reprenant une petite rasade afin de faire une sieste mais cela devrait attendre, il devait d'abord s'occuper de contacter Yoh. Il décida courageusement de sortir en bravant les roulis du sol pourtant plat, sous les rires gras des piliers de bar. La sortie se montra peu coopérative, elle avait la sale manie de changer de place tout le temps, aussi Shoriu, grisé par l'alcool, fut particulièrement fier de lui lorsqu'il réussit à franchir la porte. Dans un sens on peut dire que c'était une chance pour lui d'être sortit à ce moment la, car il put reconnaître Yoh qui arrivait à l'instant. Mais d'un autre coté, il est à se douter qu'il aurait préféré être en état de mettre un pied devant l'autre lors de la rencontre, aussi lorsqu'il eut vaguement récupéré, il amena l'assassin dans le bar et s'affala dans sa chaise les coudes et la tête sur la table, après avoir assuré que ses camarades étaient fiables. Ceux-ci se débrouilleraient très bien pour expliquer la situation. La première question qui fut posée portait évidemment sur les motifs des actions de Yoh, qui répondit sans trop se mouiller que c'était un gagne pain comme un autre. Ce n'est qu'au bout de quelques dizaines de minutes, ainsi que quelques verres, qu'il en vint à admettre que lorsqu'il n'était pas sous contrat il «travaillait» parfois gratuitement, et sans client. Ce seul aveu suffit pour qu'ils comprennent que son objectif était bel et bien de faire le ménage dans les rangs de la pègre et ils lui racontèrent tout. Yoh fut particulièrement enthousiaste à l'idée de ce groupe structurée qui opérait de façon efficace et rapide, peut-être même un peu trop enthousiaste, mais les deux bouteilles vides sur la table constituaient un parfait alibi. C'est ainsi qu'ils repartirent tous les cinq et malgré que la route soit parfaitement solide et plate, ils tanguèrent beaucoup et eurent tous le mal de mer, à terre.
C'était le dixième arbre qu'ils réduisaient en cure-dent, prétextant que bien que ce fut un bon moyen de se défouler, l'objectif premier était d'attirer l'homme qu'ils cherchaient. Ils avaient tendance à mener leurs recherches de nuit et à dormir la journée, car il est plus facile de tomber sur un feu de camp que de trouver un individu remuant dans une forêt bien fournie. Le troisième soir, ils tombèrent enfin sur une petite lueur au loin et prirent la direction en espérant que ce n'était pas là un groupe de campeurs venu faire une balade dans la forêt. Il s'avéra que non, Radagast se trouvait bien là, mais cela n'empêchait pas de trouver qu'il était plutôt bien entouré. Une petite meute de loups dormait ça et là à ses côtés, ainsi qu'un couple d'ours, et bien que plus petits, une bonne centaine de merles étaient perchés sur les arbres au dessus formant un dais noir inquiétant. Dez et Darkgun étaient plutôt partisans d'une stratégie plus directe, se frayer un chemin parmi les diverses bestioles et parler à Radagast d'homme à homme. Ils finirent cependant par convenir du fait qu'ils auraient plus de chance d'en faire un futur camarade en laissant Elenwë discuter avec lui tandis qu'ils se tenaient un peu à l'écart. La conversation fut longue mais apparemment le belluaire semblait convaincu et le silence de celui-ci et du vieillard n'incita pas vraiment les deux autres à s'informer des arguments employés. Pendant la discussion, un ours encore trop jeune pour faire la différence entre la chasse et le jeu s'était approché de Dez et avait commencé à le renifler. Quelques secondes après les deux roulaient par terre en se tapant dessus pour s'amuser, encore que peu d'hommes auraient trouvé amusant de recevoir des baffes d'une bête de plus de quatre-cent kilos. Ainsi comme si de rien était ils prirent donc la direction du campement en assurant qu'il y avait un petit bois à proximité et que ses compagnons à poils et à plumes ne se retrouveraient pas à la rue, si l'on peut dire. La petite bagarre ludique avait convaincu le jeune animal que Dez était tout à fait acceptable comme ours et il marcha à ses côtés sous le regard amusé de Radagast.
Lorsque Majestic et ses deux compères rentrèrent au repaire, les autres étaient déjà rentrés, accompagnés de leurs nouvelles recrues. Il s'avéra que le groupe de Shoriu venait juste de rentrer, et tous les cinq dormaient dans les quartiers dortoir de la grotte qui réverbérait d'un bel écho leurs ronflements bruyants. Darkgun éclata de rire car connaissant ses deux anciens associés, il devinait plus ou moins ce qu'ils avaient dû ingurgiter pour se retrouver dans cet état. Radagast fut présenté au chef en premier et après leur petite discussion, celui-ci accepta de leur prêter main-forte. Dez avait rejoint Njio et Thoner qui avaient retrouvé avec plaisir la salle d'entrainement, bien que le premier avait au préalable piqué une petite bouteille d'eau de vie dans les réserves. Il avait besoin de se détendre après cette marche dans cette forêt insupportable, et à ses yeux, rien ne valait de boire un petit coup et de se défouler sur quelques blocs de pierre de bois ou toute autre matière qui se présenterait. Entre les ronflements et le bruit des armes et des poings fracassant diverses cibles d'entraînement, la soirée promettait d'être bruyante.
9. Gains ~ Pertes
Désormais ils étaient assez nombreux pour frapper séparément. La prochaine cible était un grand parrain de la mafia asiatique et il aurait été inutile de seulement le tuer. Comme l'un d'entre eux l'avait subtilement fait remarquer, quand on veut tuer un serpent, on lui coupe la queue, au ras de la tête. Ils devaient donc s'assurer de la disparition simultanée du dit gangster et de ses alliés les plus influents, sans quoi il serait aussitôt remplacer avant que l'organisation ne s'écroule. Les choses avaient vraiment évolué au repaire, tout le monde commençait à prendre ses marques et à développer de nouveaux talents. Ymmit qui n'avait jamais eu une minute à lui jusqu'à maintenant s'était révélé être un amateur plutôt doué dans le domaine de la chimie, et il travaillait désormais sur l'élaboration d'explosifs. Pour l'instant ceux-ci n'avaient pas été utilisés pour leurs opérations mais lors des tests, Darkgun s'était montré particulièrement enthousiaste. Il était définitivement conquis par les explosions que c'en était presque un plaisir d'enfant face à un feu d'artifice. À côté de ceci, Dez, Shoriu et Magic avaient planifié le mode d'approvisionnement, ayant tous trois plus ou moins vécu en autodidactes jusque là. Lors de chaque opération, l'argent liquide était récupéré de même que les substances chimiques lors des raids de laboratoires clandestins. Cet argent leur permit d'acheter plusieurs véhicules pour se fondre facilement dans certains milieux ainsi qu'un beau lot de fausse plaque d'immatriculation d'à peu près tout les pays. Mais après une longue concertation de toute la bande, ils avaient décidé d'ajouter quelques touches qui différencierait ces attaques purificatrices. Jusqu'alors personne ne pouvait dire si les massacres étaient l'oeuvre de bandes rivales ou du groupuscule, ils avaient donc décidé de signer en quelque sorte leurs actes. Les locaux et les marchandises illégales telles que la drogue ou les armes et d'autres encore étaient intégralement brulés, et un drapeau blanc était toujours présent sur le site après immolation. La symbolique classique voudrait signifier la déclaration de paix, et le décalage entre le carnage qui avait toujours lieu au préalable était significatif, ce n'était plus un signe de paix mais de pacification forcée.
Ils avaient donc quatre cibles pour ce soir, le chef mafieux devait évidemment être tué, les trois autres cibles étaient deux hommes qui travaillaient sous ses ordres ainsi que deux douzaines de personnes qui passaient régulièrement chez les marchands, chercher leur part du gâteau comme ils disaient. Les groupes furent ainsi faits, Njio, Thoner et Darkgun allaient s'occuper des hommes de mains qui écumaient les magasins, Majestic se chargerait du chef avec Elenwë et Ymmit. Shoriu et Dez furent chargés d'abattre l'un des associés tandis que l'autre fut confié à Yoh et Sarkastik. À noter que tout le monde ne participait pas à cette opération, Radagast était encore trop peu habitué au monde humain pour se fondre dans le décor, aussi il passa plusieurs semaines à explorer les environs du repaire. Magic quant à lui s'était blessé lors de l'entraînement aux armes blanches, rien de bien grave mais une entorse à la cheville l'empêchait donc de se joindre à la fête. Une fois que tout cela fut établi, cela leur prit plusieurs jours d'observations afin de connaître les habitudes de leurs cibles, car ils devaient frapper pendant la même nuit sans quoi cela serait en vain. Ainsi, une fois prêts, ils se séparèrent en début d'après-midi afin de rejoindre leurs positions respectives.
Ymmit avait convaincu Majestic du fait que tuer uniquement le chef et repartir avant que quiconque s'en aperçoive aurait plus d'impact qu'un massacre généralisé. Ils s'étaient donc choisis des rôles précis pour se fondre dans le milieu. Elenwë, qui était habitué à jongler avec les personnalités, s'investit dans le rôle d'un vieux mafieux Italien aveugle. Les lunettes teintées et la canne blanche avaient deux utilités. Il pourrait regarder autour de lui sans que l'on remarque quoi que ce soit, et sa prétendue cécité justifiait la présence de Majestic, semi guide-bodyguard, Ymmit quant à lui s'occupait de la partie plus terre à terre des arrangements. En effet dans ce genre de milieu, le meilleur passeport était une valise pleine de billets rutilants. Lorsqu'ils pénétrèrent dans le magasin de jouets qui servait de couverture à leur cible, Elenwë se mit dans la peau du personnage et adopta un comportement suffisant et tranchant. Il annonça sans ambages aux deux gorilles qu'il avait une proposition importante à faire à leur patron, argument appuyé par un bref aperçu du contenu de l'attaché-caisse d'Ymmit. Ils furent aussitôt admis en la présence de celui-ci. À compter de ce moment là, ils durent déployer des trésors d'ingéniosité pour que la cupidité du mafieux lui fasse accepter de parler de la prétendue proposition seul à seul avec le vieillard et son guide. Une fois persuadé, les trois hommes quittèrent la pièce laissant le comptable improvisé à l'extérieur du bureau du patron. Une demi-heure plus tard, Elenwë ressortit appuyé sur le bras de Majestic et lança de manière à être entendu de tous :
- « Je vous laisse réfléchir pendant quelques minutes, faites parvenir un message à mon associé ci-présent », dit-il en tapotant de sa canne Ymmit qui s'était rapproché de lui.
Ils quittèrent donc le bâtiment laissant ce dernier seul sur place, guettant l'occasion pendant laquelle il pourrait partir. Tous trois étaient à peine quelques rues plus loin lorsqu'une certaine agitation se fit entendre, apparemment ils avaient désertés les lieux juste à temps.
Les choses furent beaucoup plus simples pour la seconde cible, celui-ci devait négocier ce soir là, des territoires à contrôler en échange d'une certaine somme d'argent. C'était sa méthode d'expansion, il rachetait toutes les petites zones que les Yakuzas de troisième catégorie sillonnaient, agrandissant ainsi sa zone d'influence. Yoh et Sarkastik se séparèrent, le premier prit position à distance de l'échange et équipa son fusil à longue portée d'un silencieux et d'une lunette thermique. Quant au second, il se rapprocha silencieusement en bon professionnel, après tout il était entraîné à ce genre de situation. L'affaire fut réglée rapidement, après qu'il eut fait rouler une grenade lacrymogène en plein milieu de la négociation, Yoh avait gardé l'oeil sur sa cible et il attendit que la fumée soit suffisamment opaque pour tirer, après quoi les deux hommes prirent la poudre d'escampette avant que quiconque n'ait le temps de réagir. Les choses s'étaient passées proprement.
L'homme dont devaient se charger Dez et Shoriu était déjà plus intelligent, celui-ci restait dans son véhicule qui de toute évidence était équipé de vitre pare-balles. Ses hommes de mains lui transmettaient les messages via une fenêtre à peine entrouverte. Ils allaient devoir prendre des risques. Dans un premier temps, la configuration de leurs positions n'était pas bien différente du cas précédent, Shoriu était situé en hauteur et équipé du même type de fusil. Seule différence, celui-ci n'était pas équipé d'une lunette thermique mais infrarouge. Car de fait, il allait devoir provoquer une sacré confusion pour permettre la suite du plan et s'il est facile de tuer une personne à distance, la chose était toute différente lorsqu'il s'agissait de plusieurs cibles. Un minimum d'obscurité était donc préférable afin de ne pas être repéré trop rapidement. Qui plus est, l'échange de ce soir concernait des affaires délicates et les criminels n'avaient pas fait l'erreur de se donner rendez-vous dans un bâtiment. Ils avaient choisie une rue a l'écart des quartiers ruraux, en plein secteur industriel où personne n'était présent de nuit. Une fois que Shoriu fut en place, Dez chercha l'emplacement du groupe électrogène qui alimentait le secteur. Celui-ci était noté sur une carte qu'Ymmit avait réussi à leur procurer en soudoyant un employé de la mairie locale. Il avait les tripes nouées car c'était la première fois qu'il risquait une vie autre que la sienne, aussi lorsqu'il eut arraché tout le câblage du relai électrique à l'aide de gants de caoutchouc épais, il courut peut-être un peu plus vite que de raison. L'extinction des feux était le signal que Shoriu attendait, il commença à tirer aléatoirement afin de semer la panique nécessaire. Après avoir abattu le quatrième homme, il aperçut Dez qui approchait accroupi, de l'autre côté de la voiture et visa les deux gardes qui se situaient de ce coté. En voyant leurs corps s'effondrer celui-ci se précipita et au prix d'un immense effort renversa la voiture sur le dos afin de forcer leur cible à sortir, car c'était là le but de la manoeuvre. Le visage couvert de sueurs froides, Shoriu vit enfin l'homme sortir aidé par l'un de ses hommes de main. Simultanément pendant qu'il tira, Dez, qui avait vu les hommes pointer du doigt la direction d'où venaient les coups de feu, lui hurla de décamper prenant le risque d'être lui aussi repéré. Peu après, les deux hommes courraient poursuivis par les derniers survivants et ils s'arrêtèrent avant chaque tournant afin de pouvoir en abattre quelques-uns. Au bout d'un moment de course éprouvante, la poursuite cessa. Ils étaient en vie mais avaient essuyé plusieurs coups de feu, Shoriu n'avait que quelques éraflures étant donné que pour faire feu il s'allongeait réduisant ainsi la surface à risque. Dez quant à lui, outre une belle quantité d'égratignure, avait reçu une balle en plein dans le bras droit. Ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait mais quelque soit l'habitude de ce genre de situation, ce n'était jamais agréable. Après un bandage improvisé à la hâte, ils reprirent donc la direction du véhicule qu'ils avaient laissé quelques rues plus loin.
La dernière frappe fut la plus facile, les cerveaux de la mafia asiatique étaient organisés et dangereux, mais les Yakuzas de seconde zone étaient plus des ivrognes au sang chaud, armés de couteaux et de pistolets qu'ils maniaient avec maladresse. Les premiers furent abattus simplement par Njio et Darkgun qui utilisaient des armes de moyenne-longue portée semi-automatiques munies de silencieux. Thoner avait l'air d'un clown à un enterrement car il avait pour rôle de faire diversion, et son entêtement l'avait empêché de tirer à tout va à l'aide d'une arme à feu pour couvrir les deux autres qui visaient avec soin et précision. À la place il avançait muni de ce qu'on pourrait appeler un bouclier qui avait été conçu pour résister aux balles des armes légères, toujours armée de son épée dans l'autre main. Lorsque leurs adversaires comprirent qu'ils allaient tous finir six pieds sous-terre, ils prirent la fuite. Il ne devait pas rester plus de dix survivants mais leur objectif était de les éliminer sans exception, ils se lancèrent donc à leur poursuite. La scène qui les attendait quelques rues plus loin les surprit. Un jeune homme aux yeux exorbités était en train de tailler en tronçons les fuyards, et ses gestes étaient ponctués par un rire psychotique. Les trois compagnons assistaient à la scène sans vraiment savoir quoi faire. Ils furent surpris de voir que la personne qui démembrait joyeusement les bandits quelques minutes plus tôt était maintenant écroulée à terre, maculée de sang, et en sanglots. Il avait laché son sabre de facture assez ancienne, japonaise ou chinoise au premier abord. S'étant approché, ils l'entendaient alterner les émotions à toute vitesse, sanglots, rires et murmures s'enchaînaient les uns les autres. Les mots qu'il répétait sans cesse étaient :
- « Tous morts, tous doivent mourir, tous doivent être découpés, tous comme maman et papa, ils ont pris leur sang, je dois prendre le leur... »
Thoner s'avança car il savait reconnaitre la folie née du désespoir, il n'avait jamais raconté son passé à qui que ce soit mais il avait connu cet état, il savait comment procéder. Il parla au fou comme s'il l'avait toujours connu et que ce qui venait de se produire était tout à fait normal. Sans enthousiasme ni réprobation dans la voix, il lui demanda d'un ton neutre s'il voulait pouvoir en tuer plus, les trouver plus facilement. L'homme ne répondit pas par la parole mais hocha vigoureusement la tête. L'épéiste se releva et expliqua la situation à ses deux camarades, ils avaient là affaire à un déséquilibré certes, mais celui-ci n'était pas dangereux pour tout le monde. Bien que Njio et Darkgun ne paraissaient pas convaincus, il leur expliqua que s'ils l'aidaient à récupérer quelque peu ses esprits, il était sûr qu'il se joindrait à eux par reconnaissance. Ce n'était pas la vérité exacte, en réalité il se sentait proche de lui car il avait traversé la même chose. Mais il était sûr de pouvoir arriver à lui rendre raison, et à mettre son aversion pour les Yakuzas à profit de leurs idéaux. Thoner avait été sauvé de la solitude par des gens qu'il arrivait presque maintenant à considérer comme des amis, et il se sentait obligé d'en faire de même avec ceux qui n'avaient pas encore eu cette chance. Après la crise, l'individu leur révéla qu'il se nommait Sakey, après quoi il ne prononça plus une parole, ses yeux allaient de l'un à l'autre, scrutant les trois personnes de façon anxieuse. Njio qui avait un caractère assez prompte pris le risque de poser une main sur l'épaule du dénommé Sakey pour le rassurer, et celui-ci ne sursauta que légèrement. Ils repartirent sans parler pour éviter que leur invité ne se sente mis a l'écart.
À leur retour, bien que toute les opérations aient réussi, une bien mauvaise nouvelle les attendait. Magic gisait à terre près de l'entrée, un filet de sang coulait de sa bouche entrouverte. Il avait reçu une balle en pleine poitrine, et faute de soin, était mort, en se vidant de son sang. Ymmit encaissa difficilement le choc bien qu'il parvint à garder son sang-froid, mais Darkgun entra dans une colère noire et ils furent obligés de le retenir pour ne pas qu'il se lance à la poursuite de gens dont il ne savait ni le nombre, ni la direction qu'ils avaient pris. Ils devaient avant tout comprendre ce qui s'était passé. Sarkastik inspecta la blessure de plus près et annonça que le tir provenait d'un fusil de chasse. Ils trouvèrent plus loin le cadavre de trois loups qui avaient été dépouillés de leur peau et de leurs crocs. Même si aucun n'avait vu la scène, la situation était simple à comprendre. Le loup était en voie d'extinction et le chasser était illégal, des braconniers avaient probablement tué ces trois là et Magic était sorti voir d'où provenaient les coups de feu, il n'avait même pas eu le temps de se servir de son revolver que l'un des hommes lui avait tiré dessus en pleine poitrine. Tout le monde bouillait de ne rien pouvoir faire face à ce qui s'était passé, Radagast était rentré quelques jours plus tard et s'était effondré devant le massacre de ceux qu'il considérait comme sa famille. Les quatre corps furent enterré à proximité sans autre cérémonie que la présence de l'intégralité du groupe. Ils savaient que tôt ou tard la mort frapperait l'un des leurs, mais jamais ils n'auraient pensé que cela se passerait ici et non lors d'une de leurs sorties. Une fois qu'il eurent repris le dessus sur eux-même, ils réfléchirent à un moyen de s'assurer que cela n'arrive plus jamais. Une semaine plus tard, Ymmit avait soudoyé quelques politiciens influents des environs et la somme qu'il avait employé avait incité les fonctionnaires verreux à ne pas demander pourquoi. C'est ainsi qu'un périmètre de plusieurs dizaines de kilomètres alentours fut statufié réserve naturelle. Radagast sous le coup de la colère était allé dans les bois, dans lesquels il vivait jusqu'alors, pour ramener tous les animaux qui y vivaient. Si les braconniers voulaient venir, ils seraient bien accueillis, à coup de crocs et de griffes entre autres choses. Il fut aussi décidé qu'il y aurait en permanence deux personnes qui garderaient le repaire lors des sorties. La zone de réserve naturelle fut entièrement grillagé et le groupe plaça à divers endroits un système de caméras camouflées, adaptées aux milieux humides, achetées par Ymmit. Ils creusèrent un réseau de câbles souterrain qui allait des caméras jusqu'au sol, en passant derrière l'écorce des arbres. Le tout était relié à un générateur placé dans la dernière pièce vide de la grotte qui avait été transformé en salle de surveillance. Toutes les créatures qu'avaient amenés Radagast s'étaient habituées à l'odeur de tous les membres du groupe, et ce dernier leur avait intimé de tuer quiconque s'approcherait des lieux. Le haut grillage empêcherait les curieux et les enfants de s'approcher, et il était relié au générateur de manière à déclencher une alarme discrète à l'intérieur de la salle de surveillance si ces fils de fer étaient coupés. Sur les deux membres qui gardaient les lieux, il devait toujours y avoir quelqu'un qui maniait les armes à feu de longue portée. De cette manière, quiconque tenterait de s'approcher après avoir ouvert une brèche, serait impitoyablement abattu.
10. Fermeté ~ Discrétion
Les récents évènements avaient eu pour effets de dissiper les derniers doutes de tous les esprits. Certes tous savaient que le crime existait, mais savoir et comprendre étaient deux choses bien différentes. Ils avaient perdu un ami, et ce par la faute d'individus qui étaient prêts à ôter la vie pour les quelques billets qu'ils allaient récolter de leur larcin. Ils avaient réagi avec une poigne de fer et outre le système défensif qu'ils avaient construit en hâte, ils prirent plusieurs décisions afin de s'assurer qu'il n'y ait aucune faille. Ymmit avait séparé son temps en deux car il ne pouvait plus se consacrer entièrement à la conception d'explosifs. Sous une fausse identité, accompagné de Darkgun, il investissait dans certaines entreprises qui manquaient de moyens faute de subvention, car elles menaçaient la suprématie des grands de ce monde. Le pétrole, l'uranium, le charbon et encore bien d'autres ressources avaient créé des géants que la planète ne pouvait porter. Des gens avaient le pouvoir, si l'envie leur venait, de réduire à néant la civilisation, ce qui constituait une menace absolue. C'est pourquoi il plaçait une partie des sommes acquises lors des attaques sur des comptes dispersés de par le monde, et à partir de ceux-ci, soutenait certaines firmes afin de faire s'effondrer ces géants. De plus, afin de s'assurer de ne pas avoir de mauvaises surprises, un système avait été mis en place afin de se renseigner sur la stabilité du décret de réserve naturelle des lieux environnant le repaire. Elenwë endossait la personnalité et les attributs d'un vieil homme riche et malade, muni d'une canne et boitant légèrement. Ce rôle avait pour but de justifier la présence de Shoriu à ses côtés, celui-ci avait pris le rôle d'un majordome rigide auquel s'accoudait son compagnon. La leçon avait été bien retenue, aucun d'entre eux ne devait jamais opérer seul, ils avaient vu ce que cela pouvait donner. Ces deux hommes étaient rodés à l'art d'adapter leur personnalité à leurs interlocuteurs, et c'est sous ces personnalités fictives qu'ils s'assuraient tous les quinze jours de l'évolution du statut de réserve naturelle de leur domicile. Le soleil hivernal était aveuglant, et justifiait la présence de ces lunettes teintées si pratiques pour regarder sans être vu. La situation était plutôt stable et le groupe avait mis au point une sorte de calendrier afin de faire comprendre au monde qu'ils existaient. Chaque section du monde du crime était attaquée pendant des périodes déterminées et constantes, signant de cette manière la revendication du carnage. Quant à Majestic, bien qu'il continuait de vivre en ce lieu, il partait la majeure partie du temps seul sans prendre le temps d'expliquer sa destination. Mais les hommes qu'il avait réunis avaient toute confiance en lui et ne ressentaient absolument pas le besoin de lui demander quoi que ce soit, ils savaient quoi faire, de même qu'ils étaient sûrs que leur chef continuait aussi la lutte. Après tout il avait survécu pendant plusieurs siècles sans jamais être capturé.
Lors de l'une de leurs sorties, Shoriu et Elenwë apprirent que les pots-de-vin qui avaient été versés pour placer leur antre en terre de réserve naturelle, avaient éclaté au grand jour. Bien sûr comme toujours, lorsque ce genre de situation était découverte, un bouc émissaire était toujours désigné, la plupart du temps celui-ci n'était même pas responsable du méfait d'origine. Les concernés avaient profité de la situation pour faire d'une pierre deux coups et avaient avancé des preuves conçues de toutes pièces contre un jeune politicien ambitieux qui montait un peu trop vite dans la sphère du pouvoir à leurs yeux. Qui plus est, son influence était d'autant plus dangereuse du fait de ses idéaux particulièrement différents de l'empire qu'avaient établis les concepts de démocratie et de république à travers le monde. Il n'hésitait pas à affirmer que cette politique n'était qu'une alternative passagère à la royauté et que le monde ne s'était que trop encroûté dedans. Le désir de stabilité et la peur du changement avaient favorisé ceux qui avaient lentement converti le monde en une routine basée sur des schémas incompréhensibles pour les gens peuplant le monde. Cet homme affirmait qu'une société n'avait de sens que si tous les gens qui la fondaient avaient un réel pouvoir sur celle à laquelle ils appartenaient. Un pays comprenait plusieurs millions de gens et les différences d'une région, et même d'une ville à l'autre, étaient énormes. Comment des votes sans concertations entre les habitants de ce pays, chose impossible étant donné leur nombre, pouvaient donner naissance à un monde juste?
Quoi qu'il en soit, c'est à cause de ces idées dangereuses que l'affaire lui avait été mise sur le dos. Le procès ne fut pas moins malhonnête que sa raison d'être. Les preuves n'auraient jamais pu passer devant un tribunal objectif, mais si celui-ci avait été acheté au préalable, l'affaire était toute autre. Le verdict fut constitué d'une inéligibilité à vie ajoutée à sept ans de prison ferme pour fraude fiscale et soudoiement. Le vieil homme et son majordome improvisé s'étaient empressés de rapporter la nouvelle car l'éclat de cette nouvelle risquait de faire sauter la sécurité de leur sanctuaire. Ils devaient agir vite avant que les décrets déclarés contre paiement soient annulés. Ymmit qui avait une certaine connaissance du milieu leur annonça d'emblée qu'ils avaient besoin de la personne qui avait été emprisonnée. Il n'avait certainement pas été pris pour cible au hasard et il disposait donc trés certainement de divers moyens de pressions. Le lendemain même de son incarcération, le duo de reconnaissance partit rendre visite au soi-disant neveu du vieil homme. L'apparente fragilité du vieillard avait aidé Shoriu à convaincre le garde de le laisser seul avec son proche, il prétexta pour cela que celui-ci avait le coeur fragile. Quelques billets changèrent évidemment de mains, généralement il était facile de soudoyer les employés lorsque ceux-ci ne voyaient apparemment aucun danger dans la requête. Une fois seul avec le prisonnier, Elenwë lui expliqua la situation de manière plutôt abrupte. Le marché était simple, ils le faisaient sortir de prison en échange de quoi celui-ci les rejoignait en renonçant à reprendre son ancienne vie. Il argua du fait que de toute évidence, avec un passé carcéral il n'avait plus aucune chance dans le monde politique. L'ancien politicien accepta le marché mais de par son mode de vie, il avait compris que ce n'était pas là l'intégralité du marché, aussi joua-t-il carte sur table en demandant ce qu'ils attendaient de lui. Fort heureusement, l'idée de faire pression sur ses bourreaux afin de maintenir l'état de réserve naturelle malgré le scandale qui avait éclaté, avait tout pour le satisfaire. Cela constituerait à la fois une vengeance et un acte qu'il considérait comme juste. Quelques explications concernant l'évasion plus tard, Elenwë ressortit de la salle en se trainant péniblement sur sa canne. Shoriu pendant ce temps là, sous pretexte d'attendre la fin de la discussion, avait entamé une conversation à première vue anodine avec le garde concernant son métier. Il n'avait pas été difficile de lui délier la langue car un homme à qui l'on vient de glisser quelques billets à tendance à éviter de fâcher son interlocuteur, celui-ci pourrait lui causer bien du tort. Une fois sortis de la prison ils en avaient appris suffisamment sur les lieux pour pouvoir concevoir un plan d'évasion simple, mais redoutablement efficace.
Deux jours plus tard, ils étaient prêts. Le groupe qui allait devoir libérer le politicien était constitué de Dez, Sarkastik, Shoriu et même Majestic avait pris part à celui-ci. Leur plan reposait sur l'assurance du fait que Majestic saurait convaincre certains gardes de faire ce qu'il faudrait, ils ne lui avaient pas demandé comment, s'il affirmait pouvoir le faire, c'est qu'il le ferait. Une autre équipe était censée créer une diversion, celle-ci était composée d'Elenwë et Ymmit. Les autres étaient restés au camp, Njio et Darkgun montaient la garde tandis que Thoner passait le plus clair de ses journées avec l'homme qu'ils avaient recueilli récemment. Il avait affirmé qu'une fois qu'il l'aurait rassuré et convaincu de les rejoindre, il serait un allié dévoué. La diversion était somme toute très simple, l'ancien négociant avait mis la nuit à profit pour placer des explosifs près de l'enceinte de l'entrée principale de la prison. Tous ne devaient pas exploser en même temps, en fait, le plan de diversion constituait en partie dans l'explosion à trois minutes d'intervalle de trois sections du mur. L'enchainement des explosions devrait précipiter les gardes dans la direction opposée à celle que les explosifs prenaient. Au cas ou cela ne suffirait pas, Elenwë était chargé de lancer des cordages par dessus le mur de la cour extérieure, afin de faire croire à une diversion ayant pour but une évasion massive par l'arrière. Tout avait été calculé pour ne pas prendre plus d'une centaine de secondes avant qu'ils ne quittent les lieux. Pendant ce temps Shoriu guidait les trois autres, le plan de la prison parfaitement en tête. Ils devaient s'adresser aux gardes de la prison à l'instant même ou exploserait la première charge. Quand cela arriva, ils feignirent la surprise, la première charge avait rempli son rôle et la sortie était complètement obstruée par les gravats. Ils firent mine de paniquer pendant un moment lorsque la deuxième explosion retentit. Majestic saisit alors l'occasion et se servit de ce qu'il avait appris au fil des siècles. Pour la plupart des gens cela aurait paru surnaturel, mais une longévité différente créait des sens et des capacités tout aussi nouvelles. En l'occurrence, pour convaincre les gardes qu'ils devaient tous se mettre à l'abri au coeur de la prison, il modula avec une infinie précision les intonations de sa voix. Cette parfaite maîtrise des mots eut un effet direct sur les gardes qui firent entrer tous les gens venus rendre visite aux détenus dans le complexe. Les gardes paniquaient tandis que les prisonniers produisaient un vacarme monumental, certains inquiets, d'autres espérant que l'explosion avait pour but de les libérer. Ils profitèrent de l'occasion et Shoriu mena Dez là où l'homme avait affirmé être située sa cellule. Sarkastik veillait afin qu'aucun garde ne vienne les déranger. Une fois devant la cellule, Dez commença à écarter deux barreaux, le visage rouge sous l'effort. En quelques instants la place créée fut suffisante pour que le prisonnier sorte de sa cellule, ils se rendirent désormais tous les cinq dans la direction opposée lorsque la troisième charge acheva de semer la zizanie. Les gardes étaient désormais bien trop occupés à détaler en tous sens pour faire attention à eux et ils retournèrent à l'entrée, le pan droit du mur de la salle avait été oblitéré par l'explosion et ils se précipitèrent vers la voiture qui les attendait quelques dizaines de mètres plus loin. Sarkastik prit le volant tandis que les autres montaient rapidement à l'intérieur, les forces de police n'allaient pas tarder à arriver, et de toute évidence, la voiture serait facilement identifiée et poursuivie. Le plan ne s'arrêtait pas là. Au lieu de prendre la fuite des lieux à une vitesse précipité, le véhicule se dirigea à vitesse normal vers un parking quelques rues plus loin, et les sirènes se firent entendre à cet instant. Sans perdre une seconde, Sarkastik monta la passerelle qui descendait du camion, après quoi Ymmit referma immédiatement les portes arrières avant de remonter au volant. Il démarra et s'engagea sur une route dans la direction opposée de la prison. Ce n'est qu'une vingtaine de kilomètres plus loin qu'il s'engagea sur une petite route de campagne afin de contourner la zone qui risquait fortement d'être remplie de barrage de police. Une fois hors de danger, Ymmit prit la direction du repaire.
Avant de retourner à la base, ils s'arrêtèrent dans le village le plus proche. L'homme qu'ils avaient libéré allait maintenant remplir sa part du marché. Il appela l'un des escrocs, probablement celui qui dominait dans le groupe, et lui conseilla de regarder attentivement les informations du soir afin de confirmer qu'il s'était évadait. Après quoi il lui fit part de façon détaillé de toute les révélations qui pourraient malheureusement apparaître au grand jour, et dicta ses exigences concernant la réserve naturelle. De plus, s'il n'obéissait pas, il risquait fortement d'être atteint de mort, et ses chances de rémissions étaient de zéro. Une fois qu'il eut la certitude qu'il s'était bien fait comprendre, il lança pour dernière précision de passer aux autres le bonjour de SFM. Sur la route du retour, Njio poussé par la curiosité lui demanda la signification de ces trois lettres. L'autre éclata de rire, visiblement il s'était beaucoup retenu au téléphone et l'euphorie de la situation prenait le pas sur lui.
- « Très bien, dit-il, puisque je dois renoncer à mon ancienne vie, autant que vous commenciez à m'appeler comme ça. »
11. Loyauté ~ Convictions
Depuis trois jours maintenant, SFM réunissait des documents compromettants sur toutes les personnes disposant d'un pouvoir politique dans la région. Ainsi même si les sièges venaient à être pris par d'autres décisionnaires, la protection serait maintenue. Qui plus est, en parlant de protection, cela faisait quelques temps déjà que deux personnes venaient régulièrement près de la grille d'entrée de la réserve et repartaient après un moment. Il fallut que Sarkastik soit de garde dans la salle de surveillance pour éclaircir la situation. L'un des deux hommes s'évertuait à faire passer un message par un enchainement de gestes de la main. C'était un code militaire et plus particulièrement, celui qui avait été mis au moins dans la section auquel il appartenait. Il ne reconnaissait pas le jeunot qui se tenait à ses côtés mais il connaissait malheureusement l'autre. Le plus grand s'appelait Kakashi, ou Ryo selon le degré d'intimité. Une tête brûlée qui avait tendance à désobéir aux ordres et n'en faire qu'à sa tête sur le champ de bataille. Après une rapide discussion auprès du groupe, ils firent entrer les deux hommes, laissant bien évidemment quelques membres dissimulés et prêts à intervenir, juste au cas où. Apparamment après toutes ces années d'insubordination, Kakashi_Ryo avait enfin réussi à se faire renvoyer, et l'ennui l'ayant vite rattrapé, il s'était décidé à suivre les traces de Sarkastik. Pendant sa traque de Majestic, celui-ci avait laissé des traces telles que des paiements par carte bancaire et il n'avait pas été difficile de diminuer la zone de recherche. Après avoir soigneusement procédé par élimination, il ne restait plus que cet endroit. Si son ancien collègue de peloton était ici, il reconnaîtrait les signes.
La situation était relativement problématique, ces deux personnes savaient maintenant où se situait le repaire du groupe. Et la présence de tout un arsenal ne laissait guère de chance à la possibilité d'un coin de vacances. Mais les tuer de sang froid sans aucune raison irait à l'encontre des idéaux pour lesquels ils se battaient constamment. C'est Njio qui finit par intervenir en jouant franc-jeu, il leur expliqua qu'ils ne pouvaient pas les laisser repartir après avoir vu ça, ils n'avaient d'autre choix que de rester ici, prisonniers, ou de les rejoindre. De toute évidence, la deuxième option allait nécessiter quelques preuves de sincérité. Sarkastik interromput la conversation pour demander qui était le jeune homme qui le suivait. La réponse fut plutôt vague, apparemment celui-ci s'appelait Max, et son appellation militaire était plus précisement Bdx_Max. Il avait joint l'armée dans le but de progresser, ce qui semblait être une idée fixe chez lui. Mais au cours d'une opération il avait pris des risques inconsidérés. Suite à une tentative d'assaut de diversion, il avait été blessé par des éclats d'obus. Kakashi l'avait trainé sur plusieurs dizaines de mètres, totalement à découvert. Depuis ce jour, le jeune homme s'entrainait quotidiennement et rigoureusement dans l'attente de pouvoir rembourser sa dette. À vrai dire, son sauveur ne lui en demandait pas tant mais il refusait catégoriquement de quitter ses côtés tant qu'il n'aurait pas renvoyé l'ascenceur. Ces quelques détails eurent pour effet d'apaiser la tension, le premier connaissait Sarkastik et le second était parfaitement droit sur sa loyauté. Ce dernier ne voulut pas révéler grand chose de son passé, sinon qu'il avait commis beaucoup d'erreur qu'il devait désormais réparer. Tous deux n'avaient aucune famille et ce critère là jouait en leur faveur, sans attachement extérieur le risque de fuite était bien moindre. Il est à noter que tout le monde n'était pas là, Majestic était encore sorti de son côté en solitaire, Dez et Thoner étaient allés s'occuper d'un groupe de voyous qui aggressaient les passants, des aggressions qui dépassaient souvent le simple vol. Ils étaient accompagnés de Sakey et bien que celui-ci n'était pas encore à proprement parler saint d'esprit, il avait commencé à émerger de sa frénésie meurtrière pour voir l'ensemble des choses. Ymmit quant à lui était au volant du camion, en train de réapprovisionner la grotte en nourriture et munitions.
Dans un premier temps Kakashi accepta de les rejoindre, plus par curiosité et pour briser son ennui que par réelle motivation, Max quant à lui était prêt à le suivre sans hésitations. Cela ne dura cependant pas. Au retour du solitaire et du trio, lorsque la situation leur fut expliqué, Majestic prit Kakashi à part pour lui expliquer les implications de ce qui se passait ici. La discussion qui suivit ne fut entendu par personne d'autre mais lorsqu'ils ressortirent, il n'avait plus ce regard curieux et vaguement amusé, on y lisait désormais la détermination. Pendant ce bref interlude, son jeune acolyte n'avait pas perdu de temps et s'était rendu à la salle d'entraînement, Yoh l'y avait guidé. Ils passèrent quelques jours sans sortir à attendre le retour d'Ymmit, mettant à profit ce temps libre pour expliquer plus en détail la situation et leurs objectifs. Les deux nouveaux partageaient la plupart de leurs idéaux et l'idée d'avoir enfin le pouvoir de changer les choses les motivaient particulièrement. De par son passé Kakashi était l'alter égo de Sakey, après avoir perdu toute ses proches sous ses yeux, il avait joint l'armée dans l'attente de se faire tuer sur un champ de bataille. Sakey à l'opposé, avait sombré dans la folie meurtrière, même si les choses étaient en train de changer, il se sentait enfin à l'aise dans ce qu'il commençait à considérer comme sa nouvelle famille. C'est ainsi qu'ils furent tous deux acceptés, et les quelques bouteilles qu'Ymmit venait à peine de ramener de la ville pour les occasions spéciales furent aussitôt entamées. Shoriu avait gardé le souvenir de son état et préféra s'eclipser avant que les réjouissances ne commencent. Il sortit prendre l'air et trouva Dez en train de s'amuser si l'on peut dire, avec l'ours qui semblait le considérer comme l'un de ses semblables. Tout deux tentaient de repousser l'autre vers l'arrière et les match nuls s'accumulaient. Il continua sa route pour tomber sur Elenwé, celui-ci était en train de récolter quelques herbes locales. Apparemment la flore du coin comportaient quelques plantes aux vertues antiseptique et coagulantes. Le groupe devenait de plus en plus polyvalent et serait bientôt en mesure de frapper fort.
À l'instigation de Majestic, ils partirent pour une grande ville située plus loin au Nord, la mafia locale y vivait en maître et même s'ils ne pouvaient pas l'abattre intégralement, quelques cas de morts subites devraient calmer leurs ardeurs. C'était au tour de Sarkastik et de Dez de monter la garde, mais Ymmit proposa à ce dernier de prendre sa place en arguant que de toute manière, il ne serait d'aucune utilité pour ce genre d'opération. Radagast quant à lui était chargé de la surveillance extérieure, dans les bois. De cette manière la sécurité des lieux était assurée. Vidéo surveillance et tireur embusquée de la part des deux gardiens, et les animaux qui vivaient désormais ici étaient alertes et prêts à signaler la présence d'intrus.
Les cibles que leur chef avait choisi étaient tous des seconds couteaux, ils devraient commencer par là pour remonter jusqu'aux personnes tirant les ficelles. Ils opérèrent par groupe de trois, alternant sans cesse afin de ne pas donner de signalisation précise. La purge se passait plutôt bien, mais le nombre de petits chefs de gang était assez élevé, ce qui en disait long sur la main-mise de celui qui le dirigeait. De même, si les choses amorçaient un certain changement dans cette ville, une petite surprise les attendait au campement.
12. Renouvellement ~ Retrouvailles
La petite armée de trios qui se battait pour Majestic continuait son oeuvre et leurs cibles tombaient les unes après les autres. Shoriu et Elenwë étaient tous deux en train de vérifier que les politiciens sur lesquels ils faisaient pression par le biais des connaissances de SFM, tenaient parole et ne cherchaient pas de moyen de briser leur parole. Malencontreusement, la régularité de leurs déplacements avait permis à quelqu'un de les reconnaitre. La personne en question était l'homme qui avait pris la relève du chef de Cartel que Majestic, Ymmit et Elenwë avaient tué quelques mois plus tôt. Il avait donc pris sa place et recherché les trois hommes qu'il savait désormais responsable du meurtre de son ancien patron. Et c'est ainsi que le vieillard avait été reconnu. La régularité de leurs rondes avait pour défaut de laisser des ouvertures et ce jour là, l'occasion fut saisie. Quelqu'un s'approcha prestement du duo et pointa directement son revolver dans le dos de Shoriu. Il lui expliqua rapidement que plusieurs hommes étaient prêts à intervenir et à les tuer s'il ne coopérait pas. Ils ne perdirent pas leur sang froid et continuèrent de marcher tout en confirmant qu'ils ne s'enfuiraient pas. La petite bande d'hommes de mains les conduisit dans une vieille maison en ruine qui leur servait de lieu d'interrogatoire. Sa localisation loin de la ville avait pour avantage de laisser mourir les cris d'agonie avant qu'ils n'atteignent les oreilles de qui que ce soit. Ils furent tous deux jetés dans une cellule improvisée où était déjà présent un vieil homme à l'air blasé.
Quelques heures plus tard, ils vinrent chercher Elenwë afin de le faire parler, lui seul ne leur suffisait pas, car ils voulaient se venger de l'intégralité des assassins. Shoriu, bien qu'inquiet, était atterré de la stupidité dont faisaient preuves ces hommes. Ils n'avaient même pas laissé de garde, lui laissant le loisir de vérifier s'il n'y avait pas d'échappatoire. Et le comble, c'était qu'ils ne l'avaient même pas fouillé, ils l'avaient emprisonné, armé d'un petit revolver silencieux. Il profita donc de l'absence de surveillance pour vérifier si les barreaux étaient solidement ancrés dans le béton décrépit, car leur cellule n'était pas pour ainsi dire un chef-d'oeuvre d'architecture. Il était occupé à tenter de desceller l'une des barres quand l'autre homme lui lança d'un ton narquois :
- « Eh bah, t'as beau avoir pris quelques centimètres, t'as toujours de la compote dans les bras. »
Shoriu se retourna, interloqué. Il n'avait pas vraiment prêté attention au vieil homme jusqu'à maintenant, mais après réflexion, sa bobine lui disait quelque chose. Un moment plus tard, il se souvint qu'il ressemblait beaucoup au professeur d'arts martiaux que ses parents avaient engagé pour lui, et qui n'était pas resté longtemps avant de laisser tomber, son élève étant bien trop curieux et distrait lorsqu'il était jeune pour s'entraîner sérieusement. Lorsqu'il lui demanda ce qu'il faisait ici, l'autre qui, lui semblait-t-il s'appelait Natsu, lui répondit l'air désabusé :
- « Peuh, j'ai été engagé pour entraîner le fils de l'abruti qui vous a amené ici mais cette andouille a réussi à se casser une jambe tout seul. Évidemment ce sale gosse m'a mis ça sur le dos et je me suis retrouvé ici. Il faut dire que j'avais un peu bu quand ils me sont tombés dessus et je n'étais pas vraiment tenté de négocier avec des armes à feu. »
Ils discutèrent encore un moment, le vieil homme évoquant des souvenirs et Shoriu lui répondant, tout en continuant son examen de la cellule, lorsqu'il trouva ce qu'il cherchait. Le ciment était complètement fissuré à la base de l'un des barreaux et il suffirait de quelques coup dessus pour qu'il bascule. La remarque de son ancien professeur ne lui ayant pas vraiment plu, il lui lança sarcastiquement qu'il n'avait qu'à lui montrer comment procéder pour forcer sur la barre. L'un dans l'autre, cela lui permettait de laisser faire le boulot fatiguant à un autre et en cas d'échec, il pourrait à défaut de sortir, rétorquer qu'il ne valait pas mieux. Mais Natsu n'utilisa pas vraiment ses bras, il se contenta d'envoyer valdinguer le barreau d'un coup de pied et se laissa tomber assis dos au mur. Shoriu se maudit intérieurement de ne pas avoir prévenu cet hurluberlu qu'il aurait préféré éviter un tel vacarme, mais l'autre lui répondit que de toute manière, ils ne pourraient pas aller bien loin sans armes. Après quelques copieux échanges d'insultes bien choisies, il lui expliqua qu'il avait une arme, et qu'ils pouvaient donc sortir s'ils ne sonnaient pas la charge de cavalerie tous les deux pas. En entendant ça, l'ancien professeur d'arts martiaux changea d'expression et sembla tout de suite intéressé par l'idée de prendre la poudre d'escampette. Mais Shoriu refusa, arguant qu'ils devaient d'abord retrouver son compagnon, et le vieil homme céda car dans le fond, il était assez revanchard et l'idée de laisser sur le carreau celui qui l'avait emprisonné n'était pas pour lui déplaire. Ils se déplacèrent donc le plus silencieusement possible, la maison n'était pas très grande et ils atteignirent rapidement la salle où Elenwë était interrogé. Ce dernier s'amusait bien car ayant compris qu'il allait être torturé, il s'était empressé de mâcher quelques feuilles que contenaient l'une de ses besaces. La douleur n'était pas totalement annihilée mais elle était tout à fait surmontable. Il prenait donc plaisir à mener une conversation badine en maintenant un faciès évaporé et stupide, et se régalait de la colère qui se lisait sur les visages alentours. Shoriu arriva près de la salle et entendit la voix de son compère. Il mit rapidement un plan sur place, et quelques instants après, Natsu entrait dans la salle en tanguant, et annonça comme si de rien que l'autre prisonnier s'était échappé. Sans prendre le temps de réfléchir, les cinq personnes qui étaient en train de tenter en vain d'extorquer des réponses à Elenwë sortirent de la salle précipitamment. Shoriu qui s'était placé dos au mur derrière la porte attendit qu'ils soient tous sortis. Il visa soigneusement et leur tira une balle dans la tête l'un après l'autre avant qu'ils n'aient le temps de comprendre ce qui leur arrivait. Ils détachèrent le vieil homme, et après un moment de discussion, Natsu déclara qu'il avait bien envie de rencontrer les personnes que ses bourreaux recherchaient. Avec un peu de chance, il pourrait en profiter pour expliquer à l'aide d'arguments relativement frappants à son ex-employeur, que le fils de ce dernier s'était blessé tout seul. Ils redoublèrent de précaution sur le retour afin de ramener Elenwë qui, s'il n'avait pas trop souffert, était quand bien même recouvert d'ecchymoses.
À leur retour ils furent plus que surpris, les autres étaient déjà rentrés mais ce n'était de là que venait la surprise. Les murs de pierres grossièrement équarris disparaissaient derrière des revêtements de placo-plâtre tapissé, à l'intérieur du dortoir austère se trouvait désormais un sol duveteux et doux. Seule la salle d'entraînement n'avait pas changée. Ils trouvèrent Ymmit confortablement assis dans un fauteuil qui était en train d'expliquer la raison de cet état des lieux. Il s'interrompit voyant ses deux compagnons arriver avec un inconnu, et tous ceux qui étaient présents se levèrent voyant qu'Elenwë était en assez mauvais état. Rien de bien grave, mais ils prirent d'abord le temps de le remettre sur pied, Dez s'occupant de placer les bandages comme il en avait tant l'habitude. Il les enduisait dans diverses poudres diluées, dans un peu d'eau selon les consignes du blessé qui lui avait donné sa besace. Elle était remplie de feuilles, certaines séchées, d'autres non, ainsi que de certaines racines broyées. Une fois qu'il fut en état de se relever, la curiosité l'emportant sur l'envie de se reposer, il demanda à Ymmit de reprendre son récit.
Cela s'était passé une bonne semaine auparavant. Un architecte d'intérieur du nom de Rabbit s'était encore fait renvoyer. Son renvoi n'avait rien à voir avec sa façon de travailler car il était assez bon dans son domaine. L'explication se situait plutôt dans le fait qu'il se baladait toujours sur le chantier en gesticulant avec ses outils, tranchants la plupart du temps. Il n'avait jusque là jamais blessé personne, mais ce comportement effrayait plutôt les clients. Ymmit avait vérifié que son ancien ami habitait toujours dans les environs et avait pris contact avec lui. Car de fait, cet homme d'affaire avait toujours vécu dans des lieux assez confortable et l'austérité de la caverne lui devenait insupportable. Sarkastik s'était révélé être assez tenté par l'idée de dormir sur un vrai matelas. De même la présence d'un sol confortable et plus chaud que la roche glacée qui le constituait jusqu'alors était assez enviable. C'est ainsi qu'après avoir pris contact avec Rabbit et avoir acheminé tous les matériaux nécessaires à la construction, les trois hommes s'étaient mis à l'ouvrage sous la direction de ce dernier. En une semaine à peine ils avaient complètement transformé les lieux et même si cela n'atteignait pas vraiment la qualité d'une maison de luxe, les progrès étaient indéniables. Ils étaient en train de poser les derniers revêtements au sol, lorsque les trios qui étaient partis dans les directions que Majestic leur avait indiqué rentraient les uns après les autres. Dans un premier temps, ce dernier avait pris ce besoin de confort pour une faiblesse, mais en réfléchissant à la chose, il comprit que cela dénotait plutôt du fait que le groupe commençait vraiment à se sentir à l'aise. Cette hypothèse fut confirmé par le plaisir qu'il lut sur les visages en face de ce repaire. La plupart de ces hommes avaient toujours été seuls au fond d'eux-même, et même si certains avaient vécu dans des domiciles de qualité, ils n'y portaient aucun attachement. Et pourtant désormais, les hommes qui avaient prêté serment de l'aider avaient trouvé leur place. Ils chérissaient ce lieu qui les avait éloigné de leur vie solitaire et vide de sens, et le fait de le voir sans cesse devenir plus élaboré et agréable suffisait à les rendre heureux. Ils disposaient tous de ce que l'on peut désirer de mieux, des compagnons prêts à risquer leur vie pour eux, chose qui était réciproque, un refuge dans lequel ils se sentaient vraiment chez eux, et un but dont l'accomplissement leur tenait à coeur. Voyant tout cela, y compris le fait qu'ils commençaient à être vraiment nombreux, Majestic finit par prendre sa décision. Depuis des mois lors de ses sorties en solitaire il avait préparé le chemin d'une action décisive. Le moment était venu de la mener à bien et dans la soirée, pour la première fois depuis la création de ce groupe, leur chef les réunit afin de leur déclarer qu'il avait besoin d'eux pour mener à bien son plan.
13. Inglorious Way ~ Révélation
Chacun savait ce qu'il avait à faire, leur but cette fois-ci était bien au dessus de leurs précédentes actions. Ils allaient anéantir l'un des parents du crime et ils avaient passé plusieurs semaines à mémoriser à la perfection le rôle qu'ils allaient devoir jouer. Jusque là Majestic, leur chef, avait éliminé avec précision les hommes qui servaient de relai au syndicat du crime qui avait la main-mise sur les pays soviétiques. La mafia Russe avait un pouvoir égal à celui du gouvernement, ce n'était pas à proprement parler la pire qui soit, mais c'était un exemple incomparable de puissance, et sa chute ouvrirait la porte à la lutte ouverte pour la justice. Ils devaient frapper simultanément en de nombreux points afin de donner l'illusion d'un groupe amplement plus nombreux. La réalité de ce qu'ils allaient faire avait autant d'importance que le message qu'elle ferait passer. La société mondiale était tombée dans le pacifisme à outrance tant et si bien que les moeurs interdisait presque de se défendre d'une agression. Prendre des mesures de précaution n'était même pas envisageable. S'ils arrivaient à faire comprendre au monde que la force constituait la seule réponse face à une agression organisée, qu'elle soit hors-la-loi ou qu'elle émane des gouvernements eux-mêmes, alors le succès serait total. Ymmit, aidé par Dez et Sarkastik, avait mis au point une quantité non négligeable d'explosifs au potentiel de destruction minutieusement calculé. Chacun était parti en emportant pour la plupart d'entre eux une quantité de ces dispositifs qui étaient déjà programmés pour se déclencher à une heure précise, identique pour tous. De même, ils s'étaient équipés de l'armement qu'ils maniaient le mieux. Une fois que tous auraient mené à bien leur opération, ils devaient se réunir pour porter le coup final afin que jamais ne se relève ce géant du crime organisé. Sarkastik, au volant du camion, déposa avec leur matériel les hommes un à un aux secteurs clefs avant d'atteindre l'objectif final. Sur le deuxième siège et à l'arrière du véhicule, Shoriu et Darkgun surveilleraient les alentours, l'arme à la main afin de couvrir leurs compagnons en cas de fuite précipitée. Beaucoup de leurs cibles étaient des laboratoires clandestins, d'autres encore servaient de point de ralliement, ou d'entreprise fictive dont le seul but était de blanchir de l'argent sale. Tous avaient été désignés pour accomplir une tâche en fonction de leurs capacités et de leurs connaissances, aucune gloire ne les attendait car leurs actes ne seraient jamais revendiqués à titre personnel.
L'objectif le plus proche de leur repaire était en fait un réseau de petits villages reculés dans lesquels un intermédiaire faisait passer de la fausse monnaie afin de l'écouler, ruinant l'économie globale de ces lieux qui avaient déjà tant de mal à subsister. Radagast avait été choisi pour ses capacités un peu particulières. Le message serait d'autant plus fort si la nature elle-même semblait en être complice. Il avait parcouru les forêts tel un général recrutant toutes les personnes valides vidant les résidences de leurs occupants. Seulement, la différence était qu'en l'occurrence, son armée était constituée d'une innombrable quantité de loups et d'autres animaux sauvages. Ces animaux évitaient en général la civilisation et ils n'attireraient l'attention que lorsqu'il serait trop tard. Une fois qu'il eut réuni suffisamment de créatures, il usa de tout ce qu'il avait appris auprès des animaux pour s'établir en chef de meute absolu afin que ses ordres ne soient pas discutés. Dans la tête de cet homme, l'esprit des humains ne divergeait pas beaucoup de celui des êtres parmi lesquels il se sentait si à l'aise. Leurs systèmes sociaux étaient simplement différents. Ainsi donc, une fois qu'il eut la certitude que tous lui obéiraient, il communiqua avec eux par des moyens que nuls ne sauraient reproduire, leur indiquant l'odeur et l'apparence de leur cible. Il ne serait pas difficile à des loups de distinguer la différence entre les villageois et les étrangers car ceux-ci porteraient sur eux l'odeur de la ville. De même, leur vue adaptée à la chasse nocturne leur permettrait de s'assurer que les cibles transportaient aux banques les morceaux de papiers colorés que leur chef de meute leur avait montré. Une fois que tout fut saisi par ses compagnons, Radagast se sépara de la meute afin de se rendre là où était sa propre cible. Une grande bâtisse aux airs d'usine à bois servait de point central pour acheminer la totalité de la fausse monnaie, puis elle était ensuite dispersée dans les villages alentours. À la tombée de la nuit, le bâtiment ne serait plus, et il en irait de même pour ceux qu'il avait désigné comme proie à ses créatures. Il attendit donc que le soleil disparaisse derrière la chaîne de montagne afin que l'obscurité lui soit complice. Le bâtiment se situant en pleine montagne, l'explosif qui lui avait été fourni était très puissant car aucun innocent ne risquait d'en être victime dans un lieu si désert. Il devait simplement l'enterrer près de l'un des murs avant de partir. Toutes les bombes qui avaient été créées disposaient d'un dispositif particulièrement ingénieux. Le déclenchement s'opérait par la réaction de deux liquides. Lorsque la réaction atteindrait son terme, le mélange deviendrait instable et déclencherait l'explosion. Cela permettrait de passer outre tous les dispositifs de détection du métal. Ainsi, après avoir fait le tour du bâtiment pour la troisième fois, il opta pour la face Nord. Un seul homme patrouillait régulièrement de ce coté-ci. Il approcha lentement afin de se glisser derrière lui et lorsqu'il fut assez près, il lui trancha la jugulaire de ses dents à la manière des loups. De cette façon la victime ne produisit aucun son susceptible d'attirer d'autres gardes. Il sortit donc l'objet du sac qui lui avait été confié et commença à creuser à mains nues près du mur afin d'y dissimuler le dispositif. Après quoi, il recouvrit de terre le sang qui maculait le sol stérile et emporta le corps dans la forêt. Il avait accompli sa tâche et ne lui restait plus qu'à se rendre près du repaire afin de rejoindre les autres.
Dez avait été assigné à l'anéantissement d'un laboratoire qui mettait au point diverses drogues. Certaines étaient à but commercial et lucratif, d'autres encore servaient à obtenir des informations de manière bien plus efficace que la simple torture. Même certains médicaments légaux étaient fabriqués ici et vendus à des grossistes corrompus. La tâche serait compliquée car il ne pouvait pas se contenter de faire sauter un bâtiment contenant quantité de produits chimiques, qui plus est situé en zone rurale. Le bâtiment ressemblait à une forteresse et toutes les entrées étaient solidement gardées. Évidemment, cela ne posait pas beaucoup de problème si l'on ne disposait aucunement de l'intention de passer par la porte. L'arrière du bâtiment n'était pas protégé et le béton dont était fait le mur était relativement solide. Il allait devoir passer par dessus. L'escalade ne fut pas une mince entreprise car la paroi était purement verticale, et qui plus est, le sac qu'il transportait pesait son poids. Il grimpait à l'aide de pics métalliques à la seule force des bras, c'est en parti pour cela qu'il avait été choisi pour cette cible. Un équipement de grimpette intégral aurait fait beaucoup trop de boucan. Inversement ces deux pics ne produisaient qu'un bruit sourd, étouffé par les sons constants qui émanaient de la ville. Une fois sur le toit de tôle il se déplaça silencieusement, cherchant une jonction qui lui permettrait d'entrer. Lorsqu'il arriva à la séparation entre deux d'entre elles, il prit en main les bords de l'une d'elles avant d'exercer une traction spasmodique, répétée afin de ne pas être repéré. Lorsqu'elle céda enfin, il se glissa à l'intérieur et se laissa tomber sur ses jambes. Même s'il avait l'habitude de supporter de grands chocs physiques, l'atterrissage lui extorqua une grimace de douleur car il dut amortir l'intégralité de la chute avec ses jambes, étant donné qu'il transportait des explosifs, la prudence le conseillait. Après un bref regard circulaire, il finit par apercevoir ce qu'il cherchait. Un rai de lumière filtrait dans la grande salle dans laquelle se déroulait la fabrication des substances. Il avait donc atterri dans la réserve. Il allait donc devoir disposer la plupart des bombes de puissance modérée dans la salle contenant tous les produits à l'état brut. De cette façon ils devraient être intégralement consumés sans que des vapeurs nocives ne se répandent en ville. Une fois qu'il en eut fini avec cette salle, il partit à la recherche du réseau électrique du bâtiment, celui-ci était situé de l'autre côté de la salle et il planta là sa dernière charge. Il devait maintenant s'assurer que personne ne viendrait ici avant l'aube car toutes les bombes devaient exploser à la venue de celle-ci. Il entreprit de transporter tout le mobilier de la pièce afin de bloquer les issues. Les pousser contre les portes lui aurait été plus facile mais en l'occurrence, il dut les soulever afin de ne pas faire de vacarme. Une fois que tout fut prêt, il put enfin sortir et la discrétion n'était plus nécessaire s'il se dépêchait de quitter les lieux. Il abandonna là son sac désormais inutile et entreprit à l'aide d'un grappin de remonter par l'ouverture même par laquelle il était entré. Lorsque le métal choqua sur les tôles du toit, il entendit des voix émanant de la salle de production, il pressa l'allure et une fois en haut, scruta rapidement en bas afin de trouver un versant non occupé. Il sauta à nouveau et se laissa rouler avant de se rétablir, ce qui fut bien moins douloureux. Il se dépêcha de prendre la tangente avant que l'on ne vienne regarder de ce côté. Après s'être assuré que personne ne l'avait vu, il se rendit à l'endroit qui lui avait été indiqué pour l'opération finale.
La cible que Majestic avait choisie n'était pas des moindres, mais sa destruction était nécessaire pour que le message soit bien interprété. La destruction des autres cibles allaient bien évidemment mettre fin à l'un des plus grands fléaux de ce monde, mais celle qu'il s'était attribuée porterait le sens de leur message. En effet, le Palais de Justice de la capitale Moscou était le lieu qu'il avait décidé de réduire en gravats. Ainsi, ce qu'ils avaient à dire serait compris sans ambiguïté, les gens de lois n'étaient en aucun cas motivés par un désir de justice. Cette notion même avait été réduite à une institution sans âme et sans idéaux qu'il exécrait. Il entreprit donc d'explorer les lieux en attendant l'arrivée des autres, car ce bâtiment était leur cible finale, et il devait avant tout vider la place de tous ses occupants. Car même s'ils étaient faibles, la plupart étaient innocents et ne méritaient pas de mourir. Il entreprit donc de s'assurer que les gardiens et les quelques fonctionnaires qui travaillaient encore tardivement dormiraient pour une bonne douzaine d'heure en exerçant une pression précise sur divers points du cou et des tempes. Après quoi, il entreprit de les faire sortir du bâtiment par les fenêtres arrières et de les cacher dans le jardin situé derrière le Palais de Justice. Il ne restait plus qu'à attendre les autres, ils seraient là dans quelques heures.
Le nettoyage qui avait été remis entre les mains de Njio était certes simple mais n'allait pas sans risques. Il allait devoir se frayer un chemin à travers un immeuble entier et l'impressionnant arsenal qu'il transportait n'allait pas être de trop. Il aurait pu se contenter de placer les charges mais rien ne lui garantissait qu'elles ne seraient pas découvertes avant le moment critique. Il fit le tour du bâtiment observant à l'aide de jumelles infrarouge le placement des gardes et des caméras. Une fois qu'il eut noté leur position, il prit place en haut d'un immeuble délabré et commença à assembler son fusil. L'emplacement qu'il avait choisi lui permettait d'avoir une vue d'ensemble sur la face Est et Sud du bâtiment, ainsi que sur ses deux entrées. Lorsqu'il eut fini d'assembler son arme, il posa deux autres fusils silencieux posés sur trépieds, équipés de détecteur de mouvements. Ces deux là étaient placés sur les portes afin de se charger de la majeure partie des éventuels renforts. Cela lui laisserait les coudées franches pour s'occuper de ceux qui étaient déjà dehors ainsi que des caméras, qui plus est la cadence de tir suggérera la présence de plusieurs tireurs. Personne ne songerait, tout du moins pas assez vite, que le tireur était situé en face de l'angle du bâtiment, et était seul. Tout était en place, il prit une grande inspiration et tira la couverture de fibres sur lui afin de ne pas être repérable via capteurs thermiques. L'une après l'autre, il détruisit les caméras de surveillance, s'occupant d'abord de celles qui n'était pas en vue des patrouilles. Après quoi il tua un à un les gardes, et attendit. Les deux sentinelles automatiques qu'il avait préparées commencèrent à ouvrir le feu et il dut s'occuper d'achever ceux qui n'était pas mortellement touchés par celles-ci. Il resta là, continuant son oeuvre pendant une quinzaine de minutes qui lui parurent durer une éternité. Il ne pouvait pas entrer avant de s'être assuré que plus personne n'essaierait de sortir du bâtiment. Une fois que les choses se furent calmées, il désactiva ses deux automates et les abandonna sur place, et prit la direction du bâtiment. Il troqua son fusil de longue portée contre un automatique muni d'un silencieux. Arrivé près de l'entrée Est, il jeta furtivement un coup d'oeil à l'intérieur, la voie paraissait libre mais l'on n'était jamais assez prudent. Il dégoupilla une canette de gaz lacrymogène et la lança à l'intérieur du bâtiment, avant de se munir d'un masque à gaz jetable. Il entra, et après s'être assuré que la pièce était vide, il déposa là son sac et commença sa sinistre besogne. Les traces de sang ne seraient pas visible avant le lever du soleil, mais l'empilement de corps était une autre histoire. Il traîna un à un les corps à l'intérieur du bâtiment tout en gardant son arme de poing prête à l'emploi. Cela lui prit près d'une demi-heure mais une fois que la rue était vide de corps, il fut un peu rasséréné. Il disposait de trois charges, il les plaça en triangle en les dissimulant du mieux qu'il pouvait. Il enleva la plante d'un des pots près de l'entrée, posa sa charge à l'intérieur et replaça le végétal et son bloc de terre enraciné par dessus. Il positionna les deux autres explosifs près du mur opposé, l'un sous l'escalier qui menait aux étages supérieurs, l'autre derrière le système de climatisation qui était posé dans un coin. Cette disposition devrait faire tomber le bâtiment sur une carrière abandonnée. Après s'être assuré que personne ne l'avait repéré, il reprit son sac vide et enjamba les corps avant de repartir vers son propre point de récupération.
Les choses avaient bien tournés pour Sakey. Quelques semaines auparavant, il avait grâce au groupe qui l'avait accueilli, réussi à venger la mort de ses parents. Il allait maintenant rembourser sa dette en risquant sa vie. Il avait été déposé près des quartiers sordides de la capitale et avait pour instruction de décapiter tous les hommes de mains qu'il pourrait rencontrer. SFM avait obtenu grâce à ses contacts la photo de la plupart d'entre eux via leurs casiers judiciaires. Ce genre de ruelle était couramment fréquentée par des hommes armés, aussi personne ne s'agita en le voyant passer, sabre au clair. Il offrit un décès rapide et sans douleur aux occupants des mansardes qui lui avaient été signalés comme refuge d'hommes de mains et de second couteaux. La majeure partie du travail fut assez facile car les occupants, ivres morts, ronflaient bruyamment et n'opposaient pas la moindre résistance. Toutefois, ceux qui ne dormaient pas encore n'eurent pas plus de chance et furent étêtés avant de pouvoir protester. L'opération en elle-même fut plutôt simple, la difficulté résidait plutôt dans la sortie car cela faisait près d'une heure qu'il semait la mort et les ruelles grouillaient désormais de vermine. Lorsqu'il eut terminé son travail dans la dernière maisonnette qui était un peu plus luxueuse, il essuya son sabre sur les draps de l'une des chambres, brisa un carreau avec le manche et sortit par la fenêtre. Il avait l'habitude de courir et d'être poursuivi aussi, il prit soin de tourner régulièrement et de passer par dessus diverses palissades afin de dérouter ses poursuivants. Une fois sorti des quartiers lugubres de la ville, il prit la direction du Palais de Justice afin d'y rejoindre Majestic, si tout s'était bien passé jusque là, l'endroit devrait être vide.
Lorsque Sakey le rejoignit, Majestic avait entamé la gravure. Ils s'étaient procurés une peinture d'un blanc immaculée qui pénétrait profondément dans le sol poreux de la plaza déserte en face du Palais. Il entreprit de l'aider car pour que ce liquide soit exploité à son maximum, il fallait continuellement chauffer la surface peinte. La plupart du matériel était encore dans le camion, mais si tout se goupillait avec le bon rythme, ils auraient fini avant l'aube.
Thoner avait été envoyé dans un hangar portuaire près d'un fleuve. Ils avaient, encore une fois grâce à la corruption qui régnait dans ces milieux, obtenu des informations contre du liquide. Ce soir, un convoi entier d'une nouvelle drogue proche de l'héroïne avec un facteur d'addiction bien plus élevé allait être stationné ici avant d'être divisé pour être vendu. Jamais il n'avait parlé de la façon dont il s'était retrouvé seul, mais tous avaient compris devant son choix inébranlable de s'occuper de cette cible que cela avait un rapport proche. L'entrepôt était faiblement gardé car tous avaient un accord de non-agression afin d'éviter la présence d'un trop grand nombre de gardes, ce qui aurait inévitablement attiré l'attention des autorités. Cela lui faciliterait donc les choses. Inévitablement, il était armé uniquement de son épée et transportait un sac contenant plusieurs bouteilles d'essence ainsi qu'une charge unique. Il déposa le sac sur un quai abandonné proche de sa destination, il devait avant tout s'occuper de la défense du lieu. Il s'approcha par l'un des versants sans entrée du bâtiment et longea le mur silencieusement. Arrivé à son extrémité, il ferma les yeux et se concentra pour localiser approximativement les gardes au bruit de leurs pas. Il attendit près d'une heure pour que l'un d'eux s'approche de l'angle et il plongea dessus. Sa lame lui passa sous la gorge avant de la trancher et il pivota instantanément afin de déposer le corps hors de vue. Une fois ceci fait, il n'entendait plus qu'une discussion venant de l'intérieur du bâtiment. Après un rapide coup d'oeil à l'intérieur, il repéra les trois derniers gardes qui étaient assis près de l'un des véhicules. Apparemment, ils avaient partagé la nuit en quatre tours de garde. Il devait donc agir vite avant que l'un d'eux ne prenne la relève. Aussi silencieusement que possible, il se glissa à l'intérieur du hangar et profita de l'abri des camions pour se rapprocher. Arrivé à proximité des gardes, il mit la discrétion de coté et frappa directement d'estoc dans le torse de l'un des gardes. Puis, il retira sa lame dans un bruit de feulement et d'os crissant hors du cadavre en le repoussant d'un coup de talon avant de la plonger dans le coeur du second. Le troisième homme qui avait eu le temps de réagir dégaina rapidement son arme et fit feu, Thoner s'était baissé a temps et la balle l'entailla au bras gauche. Il acheva le troisième garde d'un coup de tranche sur la gorge avant de rengainer son épée. Il ne restait plus qu'à prendre les dispositions pour faire disparaître toute cette saleté. Retournant près du quai, il récupéra l'essence dont il se servit pour asperger le contenu des véhicules, il disposa la charge sous l'un d'entre eux et s'éloigna du quai.
Leur nouveau décorateur encore relativement controversé, avait été mis à l'épreuve. Un quartier entier était en reconstruction et quelques fonctionnaires peu courageux avaient cédé à la pression, achetant des matériaux au rabais. Par ce moyen là, ils fraudaient sur le devis total plusieurs millions, et le partage était fait entre l'organisation responsable et ces mêmes fonctionnaires. Encore une fois l'action n'était pas une lutte directe contre la corruption mais un message. Ce genre de pratique devait cesser et Rabbit, de par son ancien travail, était le plus qualifié pour réduire en poussière tout un quartier en construction. Avant de repartir déposer les autres qui attendaient plus loin, Sarkastik accompagné de Shoriu et Darkgun qui s'étaient portés volontaires par précaution, avaient décidé de couvrir leur poseur de charge. En effet, s'il connaissait les points les plus adaptés à une démolition efficace, il n'avait pas vraiment l'habitude du meurtre de sang froid. Ainsi Rabbit portait-il une radio par laquelle les trois tireurs embusqués lui indiquaient quand la voie était libre. Avançant à tâtons, il disposait des charges à faible puissance afin de ne pas être létales pour un quidam qui passerait dans les environs. Le bruit de l'explosion serait suffisant à faire comprendre que mieux valait prendre ses jambes à son cou et laisser tout le délai nécessaire pour déguerpir avant l'effondrement total. La zone à couvrir était assez vaste, aussi le poids était conséquent et la sangle du sac lui rentrait dans les chairs. Le dernier message qu'il avait reçu lui indiquait que l'immeuble central était dégagé de toute surveillance. Il allait pouvoir passer aux choses sérieuses. En terme de moyen d'expression, la chute d'un immeuble en construction d'une cinquantaine d'étage devrait être assez éloquent. Plus d'une dizaine de charges devraient faire tomber l'édifice directement sur les derniers bâtiments, ce qui économiserait quelques charges et soulèverait beaucoup de poussière. Par cette manifestation de chaos ils espéraient faire comprendre que tel était le prix à payer lorsque l'on se livrait à l'avarice au risque des futurs habitants. Une fois ce petit interlude terminé, ils reprirent tous quatre la route afin de disposer des autres cibles.
La suivante était tout à fait adaptée pour un duo, et étant donné que Max ne lâchait pas Kakashi d'une semelle cela n'en serait que plus simple. Cette fois-ci il, n'y aurait pas de scrupules à avoir et de précautions à prendre. Cette usine de contrefaçon ne contenait aucun innocent et tous portaient le sang d'honnêtes travailleurs sur leurs mains. En l'occurrence celle-ci produisait des produits alimentaires et par le biais de pots-de-vin vendaient sans la moindre taxe, menant à la ruine ceux qui obéissaient à la loi. Ils furent déposés à l'entrée et le véhicule reprit la route laissant les deux hommes seuls devant la tâche. Ils avançaient dos à dos afin d'avoir une vision intégrale, c'était un moyen de survie efficace. Chacun était armé d'un petit automatique muni de l'éternel silencieux. Il y eut bien quelques échauffourées mais toutes moururent dans un silence absolu et ils continuèrent leur route à l'intérieur du bâtiment. Selon la suggestion de Rabbit, la destruction des deux cheminés ainsi que des fondations du sous-sol suffiraient à anéantir les lieux. Toujours dos à dos, ils déposèrent leur première charge dans une poubelle à moitié pleine située sous la première cheminée. La deuxième leur causa quelques problèmes car des retardataires étaient restés sur place. Mais leur entraînement militaire ne les portait pas à la pitié, surtout lorsque leur vie en dépendait. Après quelques tirs bien ajustés, ils décidèrent de dissimuler leur explosif dans l'une des machines d'emballage, dont ils avaient au préalable saccagé l'alimentation électrique. La difficulté survint à ce moment là, ils n'avaient pas pu obtenir de plan des lieux et ignoraient absolument où se trouvait l'entrée des sous-sols. Ils optèrent pour un plan à la fois subtil et risqué. Choisissant une salle pour sa proximité avec la sortie, ils dégoupillèrent une grenade qu'ils laissèrent sur place avant de s'éloigner. Attendant que les derniers débris soient retombés, ils s'engouffrèrent dans l'escalier d'éboulis qu'ils venaient de créer. Cela allait être une course contre la montre car le bruit allait rameuter tout le monde et ils avaient prévu de tenter leur chance en repartant par où ils étaient entrés grâce à une diversion. Le souterrain était mal entretenu et ils n'eurent même pas besoin de dissimuler les charges qu'ils semaient ça et là. Les bruits de pas se rapprochaient, plus d'une dizaine d'homme les coursaient et le moment de prendre la poudre d'escampette était venu. Ils dégoupillèrent leur dernière grenade et la lancèrent en avant puis rebroussèrent chemin afin de se mettre à couvert. Les hommes passèrent et se dirigèrent vers le bruit de l'explosion la plus récente. Ils abandonnèrent leurs derniers explosifs ici et coururent vers la sortie. Une fois remontés, ils profitèrent du fait que les souterrains n'étaient pas le genre d'endroit à disposer de fenêtres pour condamner leurs poursuivants à la mort par asphyxie. Une demi-douzaine de bombes lacrymogènes furent lâchées dans le trou avant de recouvrir celui-ci avec les débris de l'explosion. Une fois ceci fait ils s'éloignèrent et prirent position, attendant que Sarkastik reprenne le chemin inverse afin de réunir les membres laissés sur place.
Cette fois-ci encore, un laboratoire était à mettre hors-service mais le bâtiment était infiniment mieux gardé que le précédent, et un assaut frontal en nombre si infime n'aurait aucune chance. Ymmit qui jusque là n'avait fait que préparer le matériel eut pour tâche de s'occuper de ce lieu-ci. Il accompagnait Elenwë qui avait tout à fait l'air à sa place dans ce décor, vêtu comme il l'était. Tous deux avançaient, prenant l'air renfrogné qui était de rigueur pour un patron dont les pensées étaient occupées par divers problèmes. Ils conversaient comme si de rien n'était sur le marché que pouvait intéresser la mise au point de telle ou telle drogue. Et lorsqu'ils passaient par des lieux déserts, propices à la pose d'explosif, ils ne rataient pas l'occasion. La fabrication particulière de ceux-ci avait déjoué le bricolage qui servait de détecteur de métaux à l'entrée et ils avaient subi la fouille comme s'ils avaient fait ça toute leur vie. Tout se passait comme sur des roulettes lorsque l'un des grand pontes présent ici approcha. De toute évidence il n'aurait pu reconnaitre les deux compagnons car ceux-ci n'avaient jamais travaillé ici. Aussi, promptement Elenwë qui avait par précaution pris quelques décoctions sur lui avant de partir se servit de l'une d'entre elles pour simuler une attaque. L'écume à la bouche, il simula de façon fort convaincante une crise de convulsion liée à une attaque cardiaque. Profitant de la confusion, Ymmit qui avait aussitôt réagi déblatéra un chapelet de jurons bien choisi avant de brailler de façon autoritaire à quelques ouvriers d'appeler tout de suite une ambulance et d'aider à déplacer son employeur jusqu'à la sortie. De fait, le transport d'un blessé n'est jamais conseillé mais il aurait été encore moins avisé de faire rentrer des ambulanciers dans ce genre de lieu. Pris de court, l'homme qui allait les interpeller ne put qu'assister à la scène et avant d'avoir pu réagir la salle avait été à moitié désertée. Une fois que les trois hommes qui l'aidaient à transporter son soi-disant employeur l'eurent conduit au bout de la rue, Ymmit les remercia assez froidement et leur permit de prendre congé. Sitôt que leur escorte eut quitté les lieux, ils ne perdirent pas une minute avant d'en faire de même.
Enfin, leur dernière cible était là. Seuls SFM et Natsu restaient dans le camion, ainsi que bien évidemment Sarkastik qui était au volant. Ils garèrent le véhicule près de la mairie de la capitale. Tandis que les deux passagers sortaient, Sarkastik repartit en faisant des tours réguliers du bâtiment, prêt à prendre le départ précipité qui allait sûrement être nécessaire. Pour l'occasion, l'ancien professeur d'arts martiaux avait accepté après nombre de protestations véhémentes de se teindre les cheveux en noir. Ce n'était pas tant le fait que l'aspect distingué que lui donnaient les cheveux blanc revêtait une quelconque importance pour lui, mais il n'était pas du genre à aimer être décoré comme un sapin de Noël. Le visage de son coéquipier était bien connu et la présence de ce maître en combat rapproché n'était pas de trop. De plus, son apparence qui avait été concoctée par ses compagnons ne donnait vraiment pas envie de chercher querelle. Il se tenait droit dans un costume trois pièce tout à fait distingué mais sous lequel se devinait facilement la présence d'un garde du corps des plus brutaux. Ils entrèrent ainsi tous deux dans la mairie. Le but de cette opération là ne comportait aucune destruction, c'était une sorte de présentation officielle qui devait rajouter au message qu'ils allaient faire passer, une impression de détermination absolue. En effet, si la revendication d'actes était un moyen d'être entendu, prévenir à l'avance de ceux-ci était encore plus marquant. C'est ainsi que l'ancien politicien, suivi de son garde improvisé fit le tour du bâtiment. Il connaissait bien les habitudes de ses anciens collègues, particulièrement de ceux qui trempaient dans le détournement de fonds. Ce genre d'activité avait une prédilection pour la nuit et il était sûr de trouver quelques têtes bien connues dans les locaux. Cela ne manqua pas, il les prévint tour à tour que ce matin même, la mafia Russe avec laquelle ils avaient tant d'accords allait voler en éclat. Certains qui n'avaient pas le sang froid nécessaire pour réfléchir avant d'agir tentèrent bien de lâcher leurs propres gorilles sur le duo mais en vains. Natsu les renvoya la tête la première aux pieds de leurs employeurs, avec quelques dents en moins. Ils quittèrent le bâtiment, certains d'avoir été bien compris car la froideur et le détachement dont ils avaient fait preuve, était là ce qui différenciait les amateurs des professionnels. Ils remontèrent dans le véhicule, après quoi Sarkastik mit le pied au plancher pour quitter les lieux avant que l'une des victimes ait l'idée de les faire suivre.
Toujours au volant du fidèle camion qui ne les avait plus quitté depuis, Sarkastik refit le parcours en sens inverse, récupérant tous leurs camarades. Et à chaque fois qu'ils approchaient d'un point de récupération, le soulagement était lisible sur tous les visages car aucun n'avait échoué, et par conséquent succombé. L'aube n'allait pas tarder à poindre quand ils arrivèrent tous devant le Palais de Justice. Ils trouvèrent sur les lieux leur chef ainsi que Sakey qui étaient déjà affairés à graver définitivement le sol d'un message qui allait résonner de par le monde. Une fois garés, chacun sortit et s'équipa en conséquence, soit d'un chalumeau, soit d'un seau de cette peinture particulière. Elle avait pour propriété de s'infiltrer verticalement vers le haut comme vers le bas. L'on pourrait creuser aussi profond que l'on voudrait, le texte ne disparaîtrait jamais, et même s'il était recouvert d'une épaisse couche de goudron, quelques semaines plus tard le message serait réapparu à la surface. Cela leur prit près d'une heure et les premiers rayons du soleil commençait à apparaître derrière la chaîne de montagne. Tous les explosifs étaient synchronisés pour se déclencher à sept heures du matin précise et lorsqu'ils eurent fini, il ne leur resta qu'une dizaine de minutes pour repartir. Une fois qu'ils eurent tous pris place dans le véhicule, le soulagement était presque palpable. Personne n'était mort ce soir, de leur côté tout du moins. Ils rentrèrent au repaire, tous étaient épuisés, bien plus sur le plan nerveux que physique, et n'aspiraient qu'au repos.
Ce matin là, le pays était en effervescence, et le monde entier ressentit le choc. Les journalistes ne savaient plus où donner de la tête car la plupart du temps, les attentats divers de causes douteuses qui ponctuaient le quotidien étaient éparpillés tant sur le plan géographique que temporel. Or, ce matin là à l'aube, huit lieux avaient volé en éclat à la même seconde. Certains bâtiments avaient simplement été abattus, d'autres avaient intégralement volé en éclats. La censure qui était le quotidien des médias ne put suivre le rythme et le fait que toutes les cibles appartenaient soit à l'état, soit à la mafia, ne put être caché. Ce lien, même s'il ne prouvait rien, était un cri implicite qui affirmait au monde ce que personne n'avait jamais affirmé officiellement. Cela dit, de toute la destruction que la nuit avait engendrée, l'anéantissement du Palais de Justice fut l'acte qui marqua le plus les esprits. La destruction du crime et de ce bâtiment en totale synchronicité était un message clair qui exprimait purement et simplement que les gouvernements ne valaient pas mieux que les syndicats du crime. Afin que tous ces idéaux implicites ne tombent pas dans l'oubli ou ne soient pas déviés de leur sens réel, un texte d'un blanc immaculé recouvrait la gigantesque plaza qui se situait devant le Palais. Le message était en anglais afin que nul pays n'en ignore le sens, et sur toutes les chaînes de télévisions le contenu était répété sans cesse. Certaines émissions contestaient, quelques rares journalistes approuvaient, d'autres encore questionnaient, mais quelque soit le point de vue qui était exprimé, le monde entier retentissait de l'implacable vérité :
Come to learn the sense of Justice through Some Inglorious Ways.
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La suite : Ici
Ah l'histoire des Siw, ça c'était du projet qui en jetait (malgré nos différents et l'importance de nos conflits), j'accrochais mais alors avec puissance ! Que de souvenirs ^^
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Ouah c'est hyper long, je n'ai pas le temps ni la patience de lire... Si vous cherchez un dessinateur, je vous conseille de faire le synopsis de votre histoire et de la présenter sous forme de scenario (non de roman) en allant a l'essentiel de l'action. Ça serait plus simple pour les gens de voir en un coup d’œil si ils sont intéressés ou non et si oui il pourront lire tout le texte, si non je pense que ça risque d'en décourager pas mal... Ça permettrait de voir si notre scenario est cohérent aussi (je ne dis pas qu'il ne l'est pas : je n'ai lu que le tout début du texte).
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Non c'était l'histoire d'un clan sur l'ancien jeu de Salagir (ancien car pendant la V4). Le but était qu'un chapitre était dédié à chaque membre
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